« Shutdown » : aux États-Unis, 1,4 million de fonctionnaires privés de salaire

Après un mois de paralysie budgétaire (« shutdown »), les services publics sont pratiquement à l’arrêt et les fonctionnaires ne touchent plus leur paie, quand ils ne sont pas tout bonnement menacés de licenciement. Les aides alimentaires (« food stamps ») pourraient être suspendues en novembre, a annoncé l’administration Trump. En cause, un bras de fer au Congrès sur le maintien des aides de santé pour les plus précaires.
Alors que le « shutdown » – paralysie budgétaire de l’État fédéral américain – entre dans son deuxième mois, les conséquences sont chaque jour plus désastreuses pour les fonctionnaires et pour les usagers des services publics américains. Depuis le 1er octobre, plus de 700 000 agents fédéraux sont au chômage technique sans rémunération, et 700 000 autres – considérés comme « essentiels » – sont contraints de continuer à travailler jusqu’à la fin du blocage, sans salaire. Lors des précédents « shutdowns » de l’histoire des États-Unis, ils avaient été payés après coup.
A mesure que les agences fédérales épuisent leurs fonds d’urgence, la mise à l’arrêt s’étend à des domaines de plus en plus nombreux – et plus alarmants. Mi-octobre, l’Agence nationale de sécurité nucléaire a annoncé suspendre 1 400 salariés, n’en gardant que 400 en activité pour veiller à l’entretien des infrastructures. Face à une situation sociale de plus en plus dégradée, la colère grandit parmi la population : le 18 octobre, d’immenses manifestations rassemblant 7 millions de personnes se sont tenues dans tout le pays pour protester contre la politique de l’administration Trump, aux cris de No Kings
(« pas de rois »).
42 millions de personnes menacées de perdre leurs aides alimentaires
La paralysie budgétaire est vite apparue comme une aubaine pour l’administration Trump dans la poursuite de sa croisade contre les droits sociaux et les services publics. Prenant prétexte du shutdown, l’exécutif a décidé de suspendre, à partir du 1er novembre, le versement des aides alimentaires (les food stamps
) dont bénéficient 42 millions d’Américains. Mais une juge fédérale de Boston appelée à se prononcer sur la question, Indira Talwani, a estimé que l’État pourrait être contraint à débloquer des fonds d’urgence plutôt que de laisser ces millions de personnes précaires sans aides.
À l’origine de cette paralysie budgétaire : une mésentente au Congrès entre Républicains et Démocrates. Ces derniers veulent obtenir le rétablissement dans le budget de centaines de milliards de dollars dédiés aux aides de santé, dont le fameux « Obamacare » à destination des classes populaires. Sans le maintien de ces aides, 22 millions d’Américains pauvres verraient le prix de leur couverture santé augmenter de plusieurs centaines de dollars par an.
Le plus important aux yeux des syndicats américains, c’est la préservation de cette assurance maladie
, explique Branislav Rugani, secrétaire confédéral au secteur international-Europe. Selon un sondage du think tank indépendant KFF, 78 % des Américains sont en faveur de la poursuite de l’extension de l’Obamacare.
Des milliers de fonctionnaires jugés « non essentiels »
L’administration Trump en a également profité pour poursuivre son offensive contre les fonctionnaires, en licenciant des milliers d’entre eux. Nous pouvons, durant le shutdown, faire des choses qui sont irréversibles, qui seront mauvaises pour eux [les Démocrates]. Comme licencier de nombreuses personnes
, avait menacé le président Trump au début de la paralysie. Des milliers de fonctionnaires ont déjà été limogés tout au long de l’année, notamment sous l’égide du milliardaire Elon Musk et de sa commission « Doge ».
Dès le 10 octobre, dix jours après le début du shutdown, au moins 4 000 fonctionnaires avaient reçu leur lettre de licenciement. Les personnes concernées étaient jugées non essentielles au sein de leurs services
, précisait un document judiciaire californien.
La façon dont ces licenciements se produisent est extrêmement violente, dénonce Branislav Rugani. On perd son emploi mais aussi sa dignité humaine. Ces fonctionnaires sont considérés comme inutiles à leur nation.
Des licenciements déclarés illégaux
Certains licenciements ont cependant rapidement été jugés illégaux par la justice. A la suite d’une plainte de syndicats, la juge fédérale californienne Susan Illston a estimé que les responsables de l’administration avaient outrepassé leurs pouvoirs et a ordonné la suspension des licenciements déjà annoncés. Il est également très inhabituel qu’une administration licencie des employés civils durant un shutdown dans le but de punir le parti politique opposé, a-t-elle souligné. C’est pourtant précisément ce que le président Trump a annoncé faire.
Si ce shutdown – qui est déjà le deuxième plus long de l’histoire des États-Unis – se prolonge, il pourrait dépasser le record de la paralysie de 35 jours, survenue entre décembre 2018 et janvier 2019 sous le premier mandat de Donald Trump. A l’époque, le désaccord au Congrès portrait sur la construction d’un gigantesque mur à la frontière entre le Mexique et les États-Unis.
