Saisonniers agricoles : FO à la pointe du combat contre l’exploitation
Dans le Vaucluse, une cinquantaine de travailleurs agricoles saisonniers victimes de conditions de travail indignes ont pu compter sur l’accompagnement de FO pour porter plainte et changer la donne. Trois personnes ont été placées en garde à vue pour des soupçons de travail dissimulé et de traite d’êtres humains. Une affaire qui rappelle les difficiles – et parfois dramatiques – conditions d’exercice des saisonniers agricoles, particulièrement de nationalités étrangères, en faveur desquels FO appelle à se mobiliser.
Lever à 4h30 du matin, après une nuit dans un hébergement insalubre et surpeuplé, une pause de 30 minutes chrono et des horaires flous qui ne figurent pas sur le contrat de travail : c’est à l’occasion d’une permanence à la mi-avril que Chantal Fassie, secrétaire de l’Union locale FO de Carpentras (Vaucluse), a recueilli le témoignage accablant d’un travailleur saisonnier agricole tunisien employé dans une exploitation de Pernes-les-Fontaines.
Ce qu’il m’a décrit était terrifiant au niveau des conditions de travail indignes dans lesquelles il était placé, raconte-t-elle. Je lui ai dit qu’il fallait revenir avec d’autres ouvriers et aller porter plainte tous ensemble.
Le problème ne s’arrête pas à l’hébergement ni aux horaires : les travailleurs font part à Chantal Fassie d’un véritable racket
. Ils ont payé 10300 euros au chef d’équipe tunisien qui les avait recrutés, pour pouvoir venir travailler en France.
Les salariés rapportent également des violences physiques de ce chef d’équipe à leur égard. De plus, celui-ci leur prend à chacun 100 euros par mois pour le transport de l’hébergement au lieu de travail
.
Braver la menace pesant sur leurs familles
Bien que leurs contrats soient légaux – obtenus dans le cadre du dispositif de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour les saisonniers agricoles –, leur endettement, leur méconnaissance de la langue française et les menaces pesant sur leurs familles restées en Tunisie rendent ces salariés très vulnérables aux pressions. L’un d’entre eux pleurait car il avait peur pour sa femme et ses enfants.
Chantal Fassie parvient finalement à les convaincre de porter plainte collectivement. Trois personnes, dont le patron de l’exploitation et le chef d’équipe incriminé, ont été placées en garde à vue pour des soupçons de travail dissimulé et de traite d’êtres humains. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Carpentras. Depuis que la gendarmerie est venue, les horaires de travail sont corrects et normaux, souligne Chantal Fassie. Ils commencent à huit heures et finissent leur journée huit heures après, avec une pause correcte à midi.
Preuve que l’action collective, qui plus est assortie d’une médiatisation, a un poids.
Omerta parmi les institutions et organismes au pouvoir
La secrétaire de l’UL décrit une omerta concernant ce type de mauvais traitements à différents niveaux, institutionnels ou du patronat agricole Je suis outrée de voir que tout le monde sait et ferme les yeux.
Dans la mesure où la majorité des saisonniers ne sont en France que quelques mois dans l’année, il n’est pas aisé de les aider à s’organiser et à se défendre sur la durée. Si la plupart des travailleurs sont déjà rentrés en Tunisie, sept d’entre eux comptent encore engager des poursuites aux prudhommes et au pénal. Ils sont morts de peur, ça fait peine à voir, raconte Chantal Fassie. Mais ils ont pris confiance dans le syndicat et dans le fait qu’avec une force collective, on peut empêcher ces conditions d’exploitation.
Une illustration supplémentaire de l’immense importance des relais syndicaux locaux : les salariés exploités n’auraient probablement pas pu se déplacer jusqu’à l’union départementale.
Multiplier les postes d’inspecteurs du travail
Malheureusement, c’est quelque chose de récurrent, déplore Hervé Proksch, secrétaire général de FO Agriculture Vaucluse. Cette exploitation est une réalité qui se déploie de plus en plus.
Le militant voit régulièrement atterrir sur son bureau des dossiers d’heures supplémentaires non payées, de logements insalubres, voire de traite d’êtres humains. J’en ai parlé à la FDSEA du Vaucluse, poursuit Hervé Proksch, mais ni celle-ci ni la FNSEA n’ont pris à bras le corps cette problématique. Au contraire, elles demandent de plus en plus de “contrats OFII” pour compenser leur incapacité à recruter.
Il y a déjà quinze ans, Hervé Proksch avait proposé la création d’une sorte de label dans le Vaucluse, permettant de mettre en valeur les exploitations qui permettent à leurs salariés de travailler dans des conditions dignes. Certains saisonniers auraient alors le choix de se tourner davantage vers ces employeurs. Mais tous les travailleurs agricoles ne l’ont pas, ce choix, alors Chantal Fassie milite pour muscler les contrôles. La première des choses à faire serait de multiplier les postes d’inspecteurs du travail, défend-elle, pour qu’ils puissent visiter chaque exploitation agricole au moment des récoltes et constater ce qu’il s’y passe.
Alors que vient de s’ouvrir le procès des vendanges de la honte
de 2023 en Champagne, FO appelle plus que jamais à se mobiliser pour la dignité des conditions de travail de ces salariés essentiels. Pas de vendanges sans dignité
, prône la Fédération générale des travailleurs de l’alimentation (FGTA-FO). Lors de ce procès comparaîtront trois personnes soupçonnées d’avoir exploité des travailleurs, cette fois sans-papiers, dans des conditions indignes. La même année, quatre saisonniers étaient décédés lors des vendanges en Champagne, à la suite d’arrêts cardiaques.