Retraites : la Cour des comptes relève un renforcement des inégalités par les réformes
Le second rapport de la Cour des comptes « sur les impacts du système de retraite sur la compétitivité et l’emploi », présenté le 10 avril au Premier ministre et aux interlocuteurs sociaux présents à la concertation sur les retraites, a au moins le mérite d’afficher la réalité des inégalités. Il rappelle en effet que les différentes réformes ont eu pour effet d’augmenter le taux d’emploi des seniors, mais de manière très inégale. La réforme de 2010 a en moyenne allongé de 1,7 an le temps passé en emploi. Mais pas pour tout le monde. En 2023, si 81 % des personnes âgées de 55 ans étaient encore en emploi, ce taux recule à 60 % pour les personnes âgées de 60 ans. En outre, la part des seniors qui ne sont ni en emploi, ni en retraite (chômage, inaptitude) reste très conséquente. En 2023, 1,6 million de personnes âgées de 55 à 64 ans étaient dans ce cas, soit une personne sur cinq, selon le rapport. Avec la réforme de 2010, l’âge de départ effectif à la retraite a augmenté de 2,1 ans. Mais avec des inégalités selon les catégories de salariés. Pour les ouvriers, le recul de l’âge moyen de départ à la retraite s’est traduit à 66 % par un allongement de la durée en emploi, contre 85 % pour les professions intermédiaires et les cadres. La Cour des comptes appelle les pouvoirs publics à prendre des mesures pour les seniors les plus fragiles afin de maintenir au mieux leur activité. Le rapport ne fait que rappeler des évidences que nous ne cessons de répéter sur le creusement des inégalités avec le recul de l’âge légal de départ, souligne Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi et des retraites. Il regrette en outre que le rapport ait totalement occulté le taux d’emploi des jeunes. Or, c’est sur eux que vont reposer les cotisations du système des retraites.
Dangereuses pistes
Pour équilibrer le système, la Cour ferme la porte à toute hausse des cotisations retraite, préjudiciable selon elle à l’emploi et à la compétitivité des entreprises. Or, tant qu’on ne travaillera pas à une hausse des cotisations ou au conditionnement des aides des entreprises à l’embauche, on n’y arrivera pas. Ce rapport ne s’attaque pas à la racine du problème, estime Michel Beaugas. En revanche, la Cour des comptes juge qu’un nouveau recul de l’âge légal ou une augmentation de la durée de cotisation aurait un effet positif pour l’emploi. Mais avec moult réserves sur l’équité entre générations. Insistant sur le problème du vieillissement en France, comme dans d’autres pays européens, notamment en Allemagne, en Italie et en Espagne, le rapport va jusqu’à suggérer une réforme combinant plusieurs leviers : ajuster l’âge de la retraite en fonction des gains d’espérance de vie (un sujet cher à la CPME), ou revaloriser les pensions en intégrant des conditions démographiques et économiques. Un piège, dénonce Michel Beaugas : C’est surtout un moyen de supprimer le même âge légal de départ pour tous. La Cour des comptes nous renvoie encore à un système de retraite à points, avec des bonus-malus pour les ouvriers ou les cadres, dénonce Michel Beaugas. Il s’agit là en somme d’une nouvelle attaque du système par répartition.