Recherche d’économies : l’escalade de tous les dangers

En amont de la présentation en juillet des grandes lignes budgétaires pour 2026, le catalogue des mauvaises idées se dote de nouvelles pages. Ainsi la Tva sociale ou encore l’idée d’une « année blanche », soit un gel des dépenses publiques. Sans dire lesquelles. Le gouvernement, s’il affirme vouloir demander un effort à tous les Français, campe, lui, sur la défense d’une stabilité fiscale, écartant donc toujours – pour des recettes fiscales et sociales supplémentaires – de solliciter les plus riches et les grandes entreprises. Les organes vitaux à la cohésion sociale sont dans le viseur pour la recherche d’économies. Ainsi la Sécurité sociale ou encore la Fonction publique.

Ce que nous avons en France, ce n’est pas un problème de prélèvements obligatoires, de niveau d’impôts. (…) C’est un problème de dépenses publiques déclarait le 5 juin dans les médias le ministre de l’Economie, Éric Lombard précisant Il n’y aura pas de hausse d’impôt d’ensemble. Ce qui inclurait une sollicitation des plus riches et des entreprises.

Début juin encore, en phase avec ces propos ministériels, le FMI, fidèle à son credo, estimait que la France devra prendre des décisions difficiles. Concrètement pour une réduction des dépenses et en prenant garde de ne pas trop convoquer la fiscalité, au risque sinon de peser notamment sur la confiance des entreprises. De son côté, l’agence américaine de notation S&P a maintenu fin mai le AA- de la France, soit une note dite de perspective négative. Comprenez la menace maintenue d’une prochaine dégradation de notation en cas de déficit public non résorbé au plus vite.

Sur le ton de la gravité, le 27 mai, le Premier ministre avait indiqué de son côté qu’il sera demandé un effort à tous les Français. Mais tandis que le gouvernement vise un effort de 40 milliards d’euros sur les Finances publiques en 2026 et principalement par une baisse des dépenses (État, collectivités locales, sécurité sociale), il semble toujours écarter pour autant l’obtention de recettes supplémentaires, fiscales et sociales, par une participation plus large des plus favorisés ainsi que des entreprises. Pour ces dernières par exemple, et comme le demande FO, par une conditionnalité des aides publiques, notamment des allègements de cotisations sociales, qui représentaient près de 77 milliards d’euros en 2024.

Annonces de grand froid sur les dépenses

C’est dans ce contexte et sur fond de situation économique nationale atone et instable, conséquence notamment de la guerre commerciale sur les droits de douanes lancée par les USA, mais aussi de dépenses consacrées au réarmement, que les idées d’économies fusent de tous bords. La dernière en date, une « année blanche », soit un gel des dépenses (absence de leur indexation à l’inflation), proposée par des parlementaires. Ils estiment qu’en maintenant à leur niveau actuel les dépenses de l’État, des collectivités et les prestations sociales, une économie de 15 à 25 milliards d’euros pourrait être obtenue. Par cette glaciation radicale, seraient impactés les retraites, les prestations sociales, celles de santé, les impôts, la CSG, les moyens de l’État pour ses missions ou entre autres encore les dotations des collectivités.

Le ministre de l’Economie ne dit mot sur ce scénario de gel global ou partiel et renvoie à la concertation d’ici mi-juillet. Le 8 juin en revanche, il affirmait concernant la Fonction publique : Il faut qu’on engage la baisse du nombre de fonctionnaires. La veille, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, estimant qu’en matière d’économies pour 2026 le compte n’y est pas pour l’instant, prônait une réorganisation massive de l’État, assortie de la fusions ou suppression d’un tiers des opérateurs de l’État et ajoutait : nous allons demander, ministère par ministère, à revoir les besoins de recrutement d’une part et les revalorisations salariales d’autre part.

Une déclaration annonciatrice de la poursuite de l’austérité dans la sphère publique. Anciennement à la tête de la Fonction publique (de 2020 à 2022), la ministre ne peut ignorer cependant que le déficit d’attractivité dont souffrent les trois versants du secteur public provient de salaires trop faibles – par le manque de revalorisation des traitements de nouveau gelés depuis 2024 et de grilles salariales tassées – ou encore des mauvaises conditions de travail, du fait d’une insuffisance d’effectifs. Une situation qu’a participé à construire le mouvement de suppressions d’emplois entamé en 2007 et qui assorti de diverses réformes – qui ont déstructuré les services à coups de fusions notamment – a conduit à cette dégradation continue des conditions de travail.

La protection sociale dans le box des accusés

Ce printemps est décidemment celui des idées tous azimuts pour la réduction des dépenses. Quoi qu’il en coûte aux travailleurs, actifs et retraités, et assurés sociaux. Après celles d’une désindexation des pensions ou encore d’une suppression de l’abattement fiscal de 10% appliqué aux retraités, mesures auxquelles FO s’est opposée, l’idée d’une moindre prise en charge des affections de longue durée (ALD permettant une exonération du ticket modérateur) vient d’être évoquée par le ministre de la Santé, Yannick Neuder.

Réagissant dès le 6 juin, FO a rappelé son opposition à toute atteinte au droit d’accès aux soins. Cette mesure sur les ALD (dispositif créé en 1945) constituerait une attaque contre une population fragile. Treize millions de personnes, soit 20% de la population, sont aujourd’hui concernées, fustige FO.

Mais à l’heure du chantier de la construction budgétaire de 2026, les remises en cause et attaques diverses et variées, en particulier du système de protection sociale, se multiplient. Le 26 mai dans un rapport, la Cour des comptes pointait une perte de maîtrise des comptes sociaux, prônait des réformes sévères et 5,2 milliards d’économies cette année dans la branche maladie. A noter cependant que la Cour, se penchant sur les allègements de cotisations patronales, propose de revoir leur architecture. Elle indique aussi qu’en termes de compensation – de l’État vers la Sécu, subissant un manque à gagner – la fraction de TVA dédiée a eu depuis 2019 une progression moins dynamique que celle des allégements. Au final, il y a un montant de sous-compensation total estimé par la Cour à 18,3 Md€ depuis 2019, dont 5,5 Md€ en 2024.

Retraite, TVA sociale… Quoiqu’il en coûte aux travailleurs ?

Le Conseil d’orientation des retraites (COR) vient lui de se projeter, façon science-fiction, en 2070, soit dans 45 ans… Le COR est présidé par Gilbert Cette, nommé en novembre 2023, sept mois après l’adoption à coups de 49.3 de la réforme des retraites et succédant à Pierre-Louis Bras dont les propos non alarmistes sur le système des retraites contredisaient ceux de l’exécutif. En 2070 donc, il faudra avoir reculé, progressivement, l’âge légal de départ en retraite à 66,5 ans (en 2030, à 64,3 ans, donc plus que la réforme de 2023 le prévoit) préconise désormais le COR dans un rapport, déjà éventé, au scénario pessimiste (concernant les ressources du système de retraite) et qui sera publié le 12 juin. Le COR estime que le déficit du système sera de 0,2% de PIB en 2030 et de 1,4% en 2070. Interviewé par le journal Le Monde, le secrétaire confédéral chargé de l’emploi et des retraites, Michel Beaugas, indiquait C’est du Gilbert Cette, avec sa grille de lecture néolibérale et son obsession du déficit public.

Relancée la TVA sociale, mort-née en 2012, fait quant à elle partie des grandes idées en vogue pour des économies en 2026. ll s’agirait de supprimer des points de cotisations sociales pour les reporter, par une hausse de taux, sur la TVA, cet impôt forfaitaire payé par tout consommateur, riche ou pauvre. Une partie de TVA irait en retour financer certains aspects de la protection sociale.

Le refus d’une double peine pour les assurés

En cas de points de cotisations salariales ôtées, la hausse mécanique du salaire net masquerait l’absence de véritable de hausse du salaire, puisque le brut n’augmenterait pas. La TVA sociale constituerait une nouvelle atteinte au salaire différé (formé des cotisations notamment) sur lequel est assis historiquement le financement de la Sécurité sociale. Et le relèvement de la TVA gonflant les prix, ce serait pour les travailleurs une menace sur leur pouvoir d’achat. Et donc sur la dynamique de la consommation en général.

En cas de cotisations sociales employeur ôtées, ce que demande de longue date le patronat pour une baisse toujours plus forte du coût du travail, le système contribuerait à diminuer encore plus la participation des entreprises à la protection sociale. Un mouvement entamé il y a trente ans par la création des exonérations de cotisations patronales et la fiscalisation des cotisations.

L’exécutif qui préconise une modification de financement de la protection sociale se montre favorable au système de TVA sociale. Le 5 juin, la ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet qualifiait d’anomalie française le fait que 65% de la protection sociale est financée par le travail. Pour elle Cela nuit au recrutement, cela nuit au maintien de l’emploi et cela nuit également au pouvoir d’achat.

Instituer la TVA sociale ce serait tuer la Sécurité sociale, anéantir le modèle du chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Une double peine pour les assurés qui financeraient la Sécu par l’impôt le plus injuste, mais qui financeraient du même coup les milliards de cadeaux aux entreprises souligne le secteur confédéral FO de la protection sociale collective. « Un impôt sur la consommation, c’est le prélèvement le plus injuste qui existe ! indiquait le 1er juin interviewé par la Tribune du dimanche le secrétaire général de la confédération, Frédéric Souillot.

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