Quel est le contrôle du juge en cas de contestation du licenciement à la suite du refus d’application d’un APC ?

L’article L 2254-2 du code du travail précise qu’un accord de performance collective (APC) peut être mis en place en vue de préserver ou développer l’emploi mais également afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise.

Pour être valide, l’APC doit être signé par des syndicats représentant plus de 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles ou, à défaut, par des syndicats représentant plus de 30% des suffrages et être approuvé par referendum à la majorité des salariés concernés.

Dans les entreprises sans DS, les APC peuvent être négociés directement soit avec les représentants du personnel, mandatés ou non, soit avec un ou des salariés mandatés.

Les stipulations de l’APC se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Si le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord, ce refus doit être écrit et effectué dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’employeur a informé les salariés (l’information de chaque salarié sur le contenu de l’APC et sur les modalités du refus se fait par tout moyen conférant date certaine et précise). A défaut de réponse dans ce délai, le salarié serait a priori réputé avoir accepté l’application de l’accord, mais le texte ne le dit pas expressément.

Le refus du salarié peut entraîner son licenciement. L’employeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement.

Le licenciement prononcé est réputé reposer sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse. Il ne s’agit pas d’un licenciement pour un motif économique.

Ce licenciement est soumis à certaines modalités applicables en matière de licenciement : entretien préalable, notification du licenciement, possibilité de recourir aux services d’un conseiller du salarié, préavis, indemnité de licenciement, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte. La lettre de licenciement doit être motivée ; le motif du licenciement réside dans le refus du salarié de la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord collectif.

En cas de contestation du licenciement par le salarié devant le CPH, quel contrôle doit être opéré le juge ?

Dans une décision en date du 10 septembre 2025, la Cour de cassation précise que le juge doit apprécier la conformité de l’accord aux dispositions de l’article L 2254-2 du code du travail relatif à l’APC, et sa justification par l’existence des nécessités de fonctionnement de l’entreprise, au sens des articles 4, 9.1 et 9.3 de la Convention n°158 sur le licenciement de l’OIT. Il n’est pas nécessaire que la modification, refusée par le salarié, de son contrat de travail soit consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l’activité de l’employeur (Cass. soc., 10-9-25, n°23-23231).

En l’espèce, la Cour d’appel aurait dû rechercher si l’accord collectif était justifié par les nécessités de fonctionnement de l’entreprise. En jugeant qu’il ne lui incombait pas d’apprécier le bien-fondé des objectifs exposés de façon liminaire dans l’accord collectif et ayant conduit à sa négociation dès lors qu’ils répondaient aux exigences légales, la Cour d’appel a violé les textes précités. L’arrêt d’appel est annulé par la Cour de cassation et une autre cour d’appel devra réexaminer l’affaire en vérifiant la pertinence des motifs ayant justifié l’accord.

Autrement dit, le juge ne peut pas se contenter d’un contrôle purement formel des exigences légales, celui-ci devant vérifier que l’objectif mentionné dans le préambule de l’accord correspond bien à une réalité et que l’accord est effectivement justifié par des nécessités concrètes de fonctionnement de l’entreprise.

La Cour de cassation applique pour l’APC les mêmes règles qu’elle avait retenues pour les accords de mobilité.

S’agissant des accords de mobilité, la Cour de cassation avait précisé que le caractère réel et sérieux du licenciement consécutif au refus d’un salarié de l’application à son contrat de travail des stipulations de l’accord de mobilité interne suppose que cet accord soit conforme aux dispositions légales le régissant.

La chambre sociale considérait également que le caractère réel et sérieux d’un licenciement faisant suite à un refus du salarié d’appliquer à son contrat de travail des stipulations de l’accord de mobilité interne suppose que l’accord de mobilité interne soit justifié par l’existence des nécessités du fonctionnement de l’entreprise, ce qu’il appartient au juge d’apprécier (Cass. soc., 2-12-20, n°19-11986).

Le Conseil d’administration de l’OIT avait précisé, le 16 février 2022, sur les APC que le juge national devait apprécier la notion des nécessités de fonctionnement de l’entreprise conformément à la définition de l’OIT. Les organes de contrôle de l’OIT donnent leur définition de cette notion (paragraphe 52 et 53 du document). Le juge national devra vérifier, lors de la mise en place d’un APC dans une entreprise en particulier, que l’employeur justifie bien se trouver dans une situation répondant à la définition donnée par l’OIT des nécessites de fonctionnement de l’entreprise au sens de l’article 4 de la convention n°158. Le juge devra vérifier que le licenciement est bien fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, telle que définies par le juge national en concordance avec la définition des organes de contrôle de l’OIT, la charge de la preuve ne pouvant reposer sur le seul salarié.

A noter que, pour le comité de l’OIT, si le concept de « nécessités du fonctionnement de l’entreprise » n’est défini ni dans la convention ni dans la recommandation, le rapport proposé par le Bureau à la première discussion de la Conférence exposait que les motifs de licenciement comprennent en général des raisons de nature économique, technique, structurelle ou analogues. Les licenciements décidés pour de tels motifs peuvent être individuels ou collectifs et peuvent impliquer une compression des effectifs ou la fermeture de l’entreprise (paragraphe 96).

Pour la Cour de cassation, l’APC n’a pas nécessairement à être justifié par des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l’activité de l’employeur.

Cette position du juge rejoint celle du Ministère du travail dans son questions-réponses publiée en juillet 2020 sur les APC : Questions-Réponses – L’accord de performance collective.

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