Lycée pro : l’échec d’une réforme toutefois poursuivie
Les lycéens de filière professionnelle inauguraient en juin dernier le système des parcours différenciés de la nouvelle Terminale en vigueur depuis la réforme initiée par l’ex-ministre Carole Grandjean. Pour le Snetaa-FO, il s’agit d’un échec, qui était prévisible, et qui s’est traduit par un fort taux d’absentéisme et une désorganisation de la fin de l’année dans les établissements.
En cette première semaine de septembre, quelque 650 100 lycéens professionnels font leur rentrée. Mais du côté des enseignants, la lassitude est présente, notamment en Terminale. Il faut dire que la réforme, inaugurée en 2024 par la ministre alors chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, Carole Grandjean, a été à la hauteur des échecs que le Snetaa-FO avait prévus. Cette réforme, décidée en novembre 2023, impliquait une refonte en profondeur de l’année de Terminale avec l’instauration de parcours différenciés en fin d’année. Autrement dit, après l’examen du baccalauréat et dès la fin du mois de mai, les élèves peuvent choisir entre deux parcours durant les six dernières semaines de leur scolarité. Soit ils effectuent un stage en entreprise rémunérés à hauteur de 100 euros par semaine, soit ils restent au lycée et suivent des enseignements destinés à préparer leur entrée dans l’enseignement supérieur. Une nouveauté baptisée « parcours en Y » par le ministère.
Jusqu’à 95 % d’absents au moins de juin
La conséquence la plus visible au mois de juin 2025 fut l’absence des élèves. Pour ceux qui étaient restés au lycée, le taux d’absentéisme était de 95 % dans certains lycées à la date du 5 juin. Du jamais vu, relate Pascal Vivier, secrétaire général du Snetaa-FO. Mais, même pour les élèves en stage, le taux d’absentéisme s’élevait à 50 %.
Les explications portant sur ces taux d’absence aussi élevés sont à chercher du côté de différents facteurs : manque de contenus clairs pour les cours au lycée ou préférence de job d’été, bien mieux payés que le stage, pour ces élèves majoritairement issus des classes populaires. D’autant que pour ces stages, contrairement aux périodes de formation en entreprise prévues dans le parcours, il n’y a pas de compétences à acquérir ou d’objectifs spécifiquement établis.
Une situation résumée dans une formulation du syndicat FO des personnels de direction de l’Education nationale, ID-FO, en référence au nom donné par le ministère à la nouvelle physionomie de l’année de Terminale : Y
comme Y’a plus personne
.
Pour les enseignants et chefs d’établissement, ce parcours différencié a également bouleversé la fin de l’année scolaire. Déjà parce qu’il a fallu refaire de nouveaux emplois du temps pour ces six semaines de cours, puis mettre en place des enseignements utiles pour la poursuite d’études face à des élèves qui avaient des souhaits dans le supérieur très différents
, souligne le secrétaire général du Sneeta-FO. Une galère d’autant que les enseignants devaient, dans le même temps, corriger les copies du bac pro. Et qu’il leur était demandé de visiter les élèves en stage. Seuls10 % des élèves en stage l’ont été
, rapporte le syndicat.
Un ajustement pour 2026 à côté de la plaque
Cette réforme, qui a coûté un milliard d’euros, aboutit à l’échec que nous avions prédit
, constate donc Pascal Vivier fustigeant un gâchis d’argent public. Le syndicat déplore aussi le peu d’intérêt que semble montrer le gouvernement envers les lycées pro. Nous avons rencontré la ministre de l’Education nationale pour la première fois à la fin du mois d’août
. Elisabeth Borne a annoncé qu’après cette première année complexe, un ajustement sera effectué pour l’année scolaire 2025-2026.
Ainsi, la prochaine session du bac pro – examen qui célèbrera cette année ses quarante ans – sera repoussée de 15 jours, avec une dernière épreuve orale fin juin, et la durée de ce parcours différencié sera aussi réduite à quatre semaines au lieu de six, afin de gagner du temps de préparation pour les élèves
, précise la ministre. Un détail pour le Snetaa-FO puisque la plupart des établissements n’ont de toute façon pas pu proposer à leurs élèves six semaines de stage. Sur 1 200 établissements, 60 % avaient proposé 4 semaines de stages, 20 % entre deux et quatre semaines et 20 % aucune semaine de stage. Il faut dire que durant le mois de juin, il y a beaucoup de demandes de stages, que ce soit pour les élèves de Seconde générale ou pour les élèves de Première professionnelle ou de CAP.
Des heures de cours en moins pour les élèves
Sur la réforme Grandjean, le Snetaa-FO demande avant tout un diagnostic de ce qui fonctionne bien et de ce qui peut être amélioré dans la filière professionnelle. La Terminale fonctionnait bien, alors pourquoi la transformer ? À l’inverse, il y a un problème de fond sur la classe de Seconde où le taux de décrochage est inquiétant.
Il faut dire qu’avec cette réforme, les élèves de bac professionnel ont perdu 169 heures de cours tout en gardant le même programme pour l’examen. Si on ajoute les deux semaines de décalage, on reste à 105 heures de cours de moins qu’avant. Comment aider au mieux ces jeunes qui sont le plus souvent en difficulté scolaire en enlevant des heures d’enseignement ?
, s’interroge Pascal Vivier.
Le militant évoque aussi un manque criant de visibilité des diplômes, dont les intitulés ont été remaniés avec la réforme. De fait, les recruteurs ne comprennent pas quelles compétences sont acquises dans telle ou telle formation. Si bien que la réforme ne convient à personne. Ni aux élèves, ni aux enseignants, ni aux entreprises
.