Le Tour de France femmes vise haut

Après son scénario épique l’an dernier, l’épreuve féminine offre un parcours 2025 salé dans les Alpes, où ont rendez-vous l’ogre Demi Vollering et la Française Pauline Ferrand-Prévot. Un été pour grandir encore un peu plus.

2024, une édition historique

Relancé en 2022, le Tour de France femmes passait un test l’été dernier : exister au cœur du mois d’août, après deux premières éditions disputées fin juillet, dans la foulée de l’épreuve masculine. Un changement de date dû à la concurrence des Jeux olympiques que l’organisation avait cherché à compenser en déplaçant les premières étapes aux Pays-Bas. Pari gagnant : dans ce pays amoureux du vélo et comptant parmi les meilleures coureuses du peloton, dont la tenante du titre Demi Vollering, le succès po-pulaire des trois premières étapes, à Rotterdam et La Haye, a été impressionnant.

Le public néerlandais avait de quoi se réjouir, puisque les quatre premières vainqueures d’étapes étaient bataves. Mais le public français n’allait pas être en reste, une fois la course revenue sur son territoire naturel. Offensive sur les routes jurassiennes, Cédrine Kerbaol remportait la sixième étape à Morteau et devenait à 23 ans la première coureuse tricolore à lever les bras sur ce Tour de France femmes nouvelle version. Un destin qui aurait aussi pu échoir à Évita Muzic, entrée dans les top 10 des cinq dernières étapes et excellente quatrième au général final.

Surtout, ce Tour 2024 a marqué les esprits, sportivement, avec un dénouement épique le dernier jour sur la légendaire montée de l’Alpe d’Huez, proposé pour la première fois sur la Grande Boucle féminine. Tombée sur la route d’Amnéville, Demi Vollering avait dû abandonner son maillot jaune à Katarzyna Niewiadoma au soir de la cinquième étape. Trois jours plus tard, la Néerlandaise tentait tout pour reprendre son dû et remporter un deuxième Tour d’affilée en attaquant à cinquante kilomètres du but. Dans les mythiques vingt et un virages de l’Alpe d’Huez, le duel à distance était à couper le souffle mais au sommet, la Polonaise conservait finalement quatre minuscules secondes d’avance pour s’offrir son premier Tour de France.

Un parcours à très haute altitude

Ravie par le spectacle proposé l’an dernier, l’organisation du Tour a décidé de reconduire un parcours musclé, susceptible de changer la course tous les jours ou presque, sur neuf étapes, soit une de plus que les premières éditions. Cette fois, pas d’escapade à l’étranger mais une diagonale de la Bretagne aux Alpes qui ne devrait proposer que deux sprints massifs, à Angers et Poitiers, après deux premières étapes promises aux puncheuses à Plumelec et Quimper. Puis viendra le Massif central, pour un premier gros écrémage au classement général, du côté de Guéret et surtout d’Ambert, au terme d’une sixième étape proposant trois belles ascensions successives, dont le difficile col du Béal (10,6 km à 5,5%).

Mais ce sont les trois dernières étapes, tracées dans les Alpes, qui vont décider de l’issue de cette édition 2025. Le vendredi 1er août, il faudra franchir le col du Granier (8,9 km à 5,4%) pour rallier Chambéry, au terme d’une descente de tous les dangers. Le lendemain, l’arrivée sera en altitude : après l’Alpe d’Huez en 2024, c’est le col de la Madeleine qui aura l’honneur d’être l’épouvantail du parcours. Il faut dire qu’il a de quoi : 18,6 km d’ascension à 8,1% de moyenne, les écarts devraient être gigantesques à l’arrivée. Même entre les meilleures ? Quoi qu’il arrive, elles auront encore l’étape du dimanche pour se départager. Cent vingt-quatre bornes entre Praz-sur-Arly et Châtel, via la côte d’Arâches-la-Frasse (6,2 km à 7,1%), le col de Joux-Plane (11,6 km à 8,6%) et le col du Corbier (5,9 km à 8,2%), un terrain de jeu parfait pour lancer la bagarre de loin et offrir une dernière étape mythique.

Favorites : la revanche de Vollering ?

Qui saura le mieux tirer son épingle du jeu sur un parcours aussi riche ? Tenante du titre, troisième des deux éditions précédentes, Katarzyna Niewiadoma est évidemment candidate à sa propre succession. Mais la Polonaise aura fort à faire avec la concurrence, emmenée en premier lieu par Demi Vollering. Vainqueure en 2023 et battue d’un rien l’été dernier, la Néerlandaise a soif de revanche. Désormais membre de l’équipe française FDJ-Suez, elle a vite pris ses marques avec ses nouvelles coéquipières, remportant dès le début de saison les Strade bianche, l’une des plus grandes classiques de la saison. Le parcours très montagneux semble taillé sur mesure pour elle, mais l’absence de contre-la-montre pourrait aussi la pénaliser, elle qui profite souvent de l’exercice chronométré pour prendre du temps aux meilleures grimpeuses.

Quant à sa principale rivale, ce n’est peut-être pas Niewiadoma mais une compatriote. Après avoir pris sa retraite fin 2021, à seulement 31 ans, Anna van der Breggen a retrouvé le peloton cette saison. Double championne du monde, quadruple vainqueure du Tour d’Italie, la Néerlandaise dominait la concurrence à la fin des années 2010 et entend renouer avec ce prestige. Piment supplémentaire : durant son court arrêt, elle a été directrice sportive au sein de l’équipe SD Worx, notamment de… Demi Vollering. Les deux femmes se connaissent donc par cœur, ce qui pourrait donner des situations inhabituelles, voire profiter à une troisième.

Reste à trouver qui. Vainqueure du Giro l’an dernier, Elisa Longo Borghini semble trop limitée en très haute altitude, et une lourde chute en début de saison l’a marquée. Le parcours très montagneux devrait aussi être rédhibitoire pour la championne du monde Lotte Kopecky, qui avait terminé deuxième du Tour 2023.

La surprise viendra peut-être d’une jeune pousse, comme la Suissesse Noemi Rüegg, qui franchit les paliers à toute vitesse, ou l’Italienne Gaia Realini, cinquième l’an dernier. Ou de celle qui avait accompagné Niewiadoma et Vollering sur le podium l’an dernier, une autre Néerlandaise encore, Pauliena Rooijakkers. À moins qu’une Française …

Ferrand-Prévot, Labous, Kerbaol, Muzic : meilleures chances françaises

Trois coureuses tricolores ont terminé dans le top 10 du Tour l’an dernier, contre une l’année d’avant et deux celle encore avant : le cyclisme hexagonal tricolore se porte bien. Respectivement quatrième et neuvième du général en 2024, Évita Muzic et Juliette Labous, âgées de 26 ans, sont candidates à mieux. Sauf qu’elles font équipe avec Demi Vollering qui pourrait leur permettre de tenter leur carte en semant les trouble-fête, mais qui aura la priorité, en interne, dans la quête du maillot jaune. Terminer sur le podium final serait déjà une grande première pour le cyclisme français.

Un objectif que s’est également fixé Cédrine Kerbaol. À 24 ans, la Brestoise ne se contentera pas de sa victoire d’étape et de sa sixième place finale de l’an dernier : elle a les coudées franches pour faire mieux au sein du collectif EF Education, où elle forme une doublette particulièrement redoutable avec Rüegg.

Quant à Pauline Ferrand-Prévot, quel est son réel objectif ? Après plusieurs années à privilégier le VTT (championne olympique à Paris en 2024), elle a renoué depuis janvier avec la route au sein de l’équipe Visma. À 33 ans, la championne du monde 2014 n’a rien perdu : vainqueure de Paris-Roubaix, deuxième du Tour des Flandres, troisième des Strade bianche, elle tutoie les meilleures mondiales et ne s’interdit rien. Coureuse française la plus populaire, elle rêve d’être la première tricolore à accrocher le Tour de France nouvelle mouture à son palmarès. Mais la très haute montagne n’a jamais été son terrain de prédilection, et le parcours de cette année semble un peu trop salé…

Et demain ?

Si l’on ne sait pas encore qui va remporter ce Tour de France femmes 2025, on sait déjà d’où il s’élancera en… 2027. ASO, la société organisatrice de la Grande Boucle, a en effet annoncé que ses épreuves s’élanceront toutes deux de Grande-Bretagne cette année-là : Édimbourg pour les hommes, et une ville encore inconnue pour les femmes. Une volonté claire de ne pas laisser l’épreuve féminine dans l’ombre de la masculine, qui passe aussi par un format plus long. Ravies de pouvoir disputer le Tour de France depuis 2022, les coureuses ont rapidement réclamé des étapes et une course plus longues. Passée de sept à neuf jours cette année, la Grande Boucle des femmes voudrait à terme passer à une douzaine de jours, voire deux semaines. Une longueur inédite dans le calendrier cycliste féminin, qui achèverait de faire du Tour de France femmes l’épreuve majeure de la saison.

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