Le CESE : 100 ans d’histoire

A l’issue de la Conférence de la Paix de 1919, dont il fut un délégué, Léon Jouhaux n’eut de cesse de plaider la création d’un Conseil économique pour réunir dans une instance de négociations apaisées les interlocuteurs sociaux. Ce combat inlassable, il le mènera durant 32 ans, jusqu’à l’attribution du Prix Nobel de la Paix en 1951. Son élaboration, son maintien et son évolution ne furent pas un long fleuve tranquille ! Programmé pour une durée de vie limitée, 100 ans plus tard, sous une autre forme, il existe toujours.

Décidée par le Président du Conseil, Édouard Herriot, suite à la victoire du Cartel des Gauches aux élections de 1924, la création du Conseil national économique suscita de vives oppositions. Léon Blum qui écrit en 1927 : j’ai été quelque chose comme le parrain du Conseil national économique. Léon Jouhaux m’a fait l’amitié de me mander auprès des fonts baptismaux. Ce qui signifie, sans métaphore, que sur la demande de Jouhaux, j’ai assisté aux conférences un peu laborieuses où fut arrêté le texte qui le régit aujourd’hui.. Contesté, vilipendé, le Conseil national survécut jusqu’à sa dissolution en 1940 par le régime du Maréchal Pétain.

Avec peu de moyens humains et financiers de 1925 à 1940, le CNE ne dut son salut qu’à l’opiniâtreté de deux hommes, Léon Jouhaux, vice-Président, et Georges Cahen-Salvador, Secrétaire général. Ce jeune Conseiller d’État apporta au tout nouveau CNE sa grande compétence juridique qui assura la crédibilité de cet organisme.

A la Libération, malgré l’opposition du Général de Gaulle, le CNE est réinstallé sous une nouvelle appellation : le Conseil économique et social (CES) dont l’existence est constitutionnalisée en 1946. Léon Jouhaux, futur fondateur de la cgt-Force Ouvrière, en sera le premier Président élu.

Du Palais royal au Palais d’Iéna

Installé dans une aile du Palais royal, le CES est transféré le 22 juin 1959 au Palais d’Iéna, ancien siège de l’Assemblée de l’Union française, dissoute lors de la décolonisation.

Le referendum du général de Gaulle du 27 avril 1969 menaça le CES de disparition puisqu’il proposait, entre autres, sa fusion avec le Sénat. FO s’opposa vivement à ce projet et appela, pour la première fois de son histoire, à voter Non. Non qu’exprimèrent 52.41% des Français, entraînant la chute du projet et la démission du président de la République.

Lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 voulue par le président Sarkozy, le CES prend l’appellation de Conseil économique, social et environnemental (CESE) ; le nombre de Conseillers est plafonné à 233. La loi organique du 28 juin 2010 fait entrer des représentants des jeunes et surtout ceux de la défense de l’Environnement. L’âge minimum pour siéger au CESE est abaissé à 18 ans. Il est instauré un droit pour tous les citoyens dès l’âge de 16 ans de saisir le CESE par voie de pétition réunissant 150 000 signatures.

Le Président Macron lance le 3 juillet 2017 devant le Congrès réuni à Versailles une nouvelle réforme constitutionnelle qui impacte fortement le CESE. Par la loi organique du 15 janvier 2021, le CESE entre dans une étape historique de sa vie en accroissant la place de la société civile dans l’élaboration des politiques publiques et fait du CESE le carrefour des consultations publiques mais aussi l’institution de référence en matière de participation citoyenne. Il devient le lieu d’accueil des Conventions citoyennes qui associent des citoyens tirés au sort à l’élaboration des politiques publiques.

En parallèle, la composition du CESE est lourdement remaniée le nombre de Conseillers passant de 233 à 175. Dont 9 Conseillers (4 femmes et 5 hommes) Force Ouvrière. La confédération FO a marqué ses réserves sur cette montée en puissance de la participation citoyenne qui pourrait rimer avec un risque d’affaiblissement de la représentation des organisations syndicales, pourtant piliers de la démocratie sociale.

Depuis sa création, FO a œuvré activement au sein du CES devenu CESE. Nombreux furent ses militants qui marquèrent de leur engagement la présence Force Ouvrière dans les travaux de cette assemblée. Ainsi Gabriel Ventejol qui présida le CES de 1974 à 1987 ou René Viaud qui présida l’Amicale des anciens membres durant 24 ans. Marque de la reconnaissance du rôle de FO dans ce qui est appelé aujourd’hui la 3e chambre, un seul homme a son buste dans le hall du Palais d’Iéna, Léon Jouhaux.

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