Frédéric Souillot : « Pain, paix, liberté ! »
Nous avons réagi au discours du président de la République, à la télévision, le 5 mars. Nous avons réagi parce que ce discours était alarmiste et inquiétant. Bien entendu, le contexte géopolitique change et les conflits se multiplient à travers le monde. C’est pourquoi nous avons voulu rappeler les valeurs de notre organisation syndicale, les valeurs qui nous unissent : pain, paix, liberté !
Notre communiqué soulignait aussi que sans être indifférente à la sécurité de la nation, FO ne veut participer ni à l’instrumentalisation, ni à l’intégration des organisations syndicales de salariés dans une économie de guerre, synonyme de renoncement et d’abandon des revendications des travailleurs.
L’appel à l’engagement de chacun dans un effort de guerre n’a rien d’évident. Le contexte est aussi celui d’une France profondément divisée. Différentes enquêtes, notamment celles du CEVIPOF sur les fractures françaises, confirment à chaque fois l’ampleur du mécontentement, de la colère et de la défiance. On le ressent dans nos syndicats, chez nos adhérents. Alimenter encore la défiance en concentrant les efforts sur la défense au détriment des dépenses sociales et des services publics, ne ferait qu’alimenter encore la colère et la défiance…
Certes, la priorité budgétaire donnée à la défense peut venir soutenir notre économie et notre industrie. Mais il est regrettable que les mesures exceptionnelles annoncées (notamment sortir les dépenses de défense des règles de calcul du déficit au niveau européen) n’aient pas été mobilisées plus tôt pour d’autres priorités, pour stopper la désindustrialisation ou accélérer la lutte contre le changement climatique.
Surtout dans le contexte qui est le nôtre, où les finances publiques sont contraintes, par les erreurs de prévision et la facture du quoi qu’il en coûte, l’urgence se déplacerait sur l’armement plus que sur notre modèle social. Soyons vigilants ! Le concours Lépine des mauvaises idées est lancé… on l’a vu avec la journée de solidarité, les jours de carence dans la fonction publique, la baisse de l’indemnisation des arrêts maladie… L’offensive sur le si généreux modèle social français trouve un regain de vitalité, avec pour idée centrale que les Français ne travailleraient pas assez. La tentation est grande, notamment du côté du patronat, de se saisir de l’occasion pour pousser des mesures restrictives, pour ne pas dire provocatrices, sur les retraites ou la durée du travail : retraite à 70 ans pour le Medef et extension de la capitalisation, relèvement de la durée du travail à 36 heures hebdomadaires pour la CPME…
Nous ne renoncerons pas à nos droits, à nos acquis, à notre modèle social
Ce n’est pas acceptable, nous ne renoncerons pas à nos droits, à nos acquis, à notre modèle social. Nous l’avons écrit, pour FO, les nouvelles priorités budgétaires ne doivent en aucun cas conduire à plus d’austérité pour des politiques aussi essentielles que l’enseignement, la santé, la Sécurité sociale (qui fête ses 80 ans cette année), la solidarité ou les droits sociaux.
FO ne saurait accepter que les salariés soient contraints à des efforts et des sacrifices alors que des moyens budgétaires peuvent être mobilisés dans la manne des aides publiques versées aux entreprises, sans contrôle ni conditions, dans la lutte contre l’évasion fiscale ou dans la taxation des dividendes, dont le montant atteint des niveaux records, de près de 100 milliards d’euros en 2024.