Frédéric Souillot : « J’aimerais qu’on passe à autre chose que de la communication sur la réindustrialisation »

Extraits de l’interview parue dans Les Échos le 13 mai 2025

Les Echos : Qu’en attendez-vous de l’intervention d’Emmanuel Macron ce mardi soir ?

Frédéric Souillot : Malheureusement, pas grand-chose. Ce que j’aurais aimé en attendre, c’est qu’on ait un exécutif et un président de la République qui prennent enfin conscience, mais il n’y arrivera pas, du rôle du social, du dialogue social, de la négociation collective, le choix de société qu’avait fait le Conseil national de la Résistance, dont on a fêté les 80 ans.

Les Echos : Avec Donald Trump, on assiste au retour en force du protectionnisme. Vous qui n’avez cessé de dénoncer la mondialisation, diriez-vous que c’est un mal pour un bien ?

Frédéric Souillot : Evidemment que non. Parce que cela a des conséquences sociales graves. En revanche, c’est un échec pour les ultralibéraux qui nous ont vendu une mondialisation heureuse irréversible. La situation actuelle rend plus que jamais essentielle la souveraineté industrielle et le patriotisme économique dont les employeurs ne font pas assez preuve.

Les Echos : Malgré la cascade de plans sociaux, l’emploi semble résister. En tout cas le chômage n’explose pas. Etes-vous inquiet pour la suite de l’année ?

Frédéric Souillot : Le produit intérieur brut a reculé à la fin du quatrième trimestre 2024 pour la première fois en dix ans. Attention à l’effet d’optique. Les plans sociaux annoncés ne sont pas encore mis en oeuvre. Ils ne le seront qu’une fois qu’ils auront été négociés, à partir de juin. Et il faudra y ajouter toutes les conséquences chez les sous-traitants, cotraitants et dans les petites entreprises.

Pourquoi la métallurgie vient-elle de négocier un accord d’activité partielle de longue durée rebond [prolongation de l’APLD Covid, NDLR] ? Notamment parce que l’industrie de défense attend ses commandes et pour conserver les compétences et les emplois pendant quelques semaines en espérant que ça reparte. Un emploi supprimé dans la métallurgie, c’est trois voire quatre autres touchés.

Les Echos : Si la situation s’aggrave, comme vous le craignez, qu’attendez-vous du gouvernement ?

Frédéric Souillot : J’aimerais qu’on passe à autre chose que de la communication sur la réindustrialisation. En avril, il y a eu plus de fermetures d’usines que d’ouvertures. Est-ce que le gouvernement serait capable de dire aujourd’hui « on arrête les licenciements », « on discute dans les conseils nationaux de l’industrie ou du commerce » pour travailler sérieusement à anticiper et préserver les entreprises et l’emploi des salariés par des formations ou des reconversions ?

Les Echos : Qu’entendez-vous par « on arrête les licenciements » ? Un moratoire ? Une interdiction ? Une taxation ?

Frédéric Souillot : Je dis que la première conditionnalité des aides publiques versées aux entreprises, c’est le maintien de l’emploi en France. Ces aides étaient prévues pour aider les entreprises face à la concurrence internationale. Au vu de notre balance commerciale, cela ne fonctionne pas ! Il faut aussi davantage de moyens à l’Inspection du travail pour qu’elle contrôle mieux les plans sociaux.

Les Echos : Donc ArcelorMittal, qui a annoncé 600 suppressions de postes, doit rembourser ses aides reçues ?

Frédéric Souillot : A partir du moment où ils mettent en place un plan de licenciement d’ampleur, ils doivent rembourser les aides. A FO, nous ne sommes pas opposés aux aides. La seule chose que l’on dit, c’est qu’il faut qu’elles soient conditionnées.

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