Frédéric Merceron : « Je ne voudrais pas qu’Hennessy soit le fossoyeur de la région de Cognac »

Frédéric Merceron, 57 ans, est délégué central FO chez Hennessy, leader mondial du cognac, une filière en crise. C’est par la presse qu’il a appris la suppression envisagée de 1000 à 1200 postes chez Moët Hennessy, la branche des vins et spiritueux du groupe LVMH.

Je ne réagis pas à chaud, il faut garder la tête froide, comme à moto, j’attends de voir venir pour prendre les choses en temps voulu, mais je suis un faux calme, explique Frédéric Merceron, motard adepte des circuits de vitesse et délégué central FO chez Hennessy, leader mondial du cognac. C’est donc d’une voix posée, mais déterminé à défendre les salariés, que le militant raconte avoir appris par la presse la possible suppression de 1000 à 1200 postes sur 9400 chez Moët Hennessy, la branche des vins et spiritueux du groupe LVMH, dans un contexte de crise de la filière. Depuis le début de l’année, l’activité a baissé de 15% chez Hennessy, qui compte 1040 salariés.

Un e-mail qui n’avait rien d’officiel a été envoyé à tous les salariés vers 16h le 30 avril, veille du pont du 1er Mai, avec un lien vers une interview en anglais sous-titrée, dans laquelle le P-DG et le directeur adjoint de LVMH annonçaient leur intention de supprimer 13% des effectifs. Entre ceux qui étaient en congés et ceux des lignes de production – ou ceux travaillant dans les chais –, qui ne sont pas devant un ordinateur, seulement 40% des salariés ont peut-être pu voir cette vidéo, dénonce le militant, dans l’entreprise depuis trente-sept ans et adhérent FO depuis quatorze ans.

Aucune information n’a été donnée sur les postes concernés ni sur les sites touchés dans le monde. Ces suppressions se feraient sans plan social, par le biais de non-remplacement des départs et de mutations, comme un Tetris, poursuit Frédéric Merceron. Dès le 5 mai, il a demandé la tenue d’un CSE extraordinaire et exigé de la transparence de la part de la direction, notamment sur le nombre de postes supprimés et sur les délais de mise en oeuvre.

Protéger l’embouteillage par une AOC

Alors que tous les voyants étaient au vert pour le cognac, une baisse des ventes s’est amorcée en 2022. Mais le couperet est tombé lorsque la Chine a décidé, en octobre 2024, d’imposer une surtaxe de 35% sur les vins et spiritueux, en représailles aux taxes européennes sur ses véhicules électriques. Or ce marché représente 35% des volumes produits par Hennessy.

Pour contourner ces surtaxes, la direction a envisagé d’expédier du cognac en vrac vers la Chine, et que l’embouteillage se fasse sur place. Le projet a été suspendu en novembre, après une forte mobilisation des salariés. C’est une aberration, je m’y opposerai toujours. Hennessy réalise 60% de la production de cognac. Les autres producteurs risquent de faire de même, avec des conséquences pour les sous-traitants mais aussi pour les centres de formation. Je ne voudrais pas qu’Hennessy soit le fossoyeur de la région, alors que l’industrie du cognac représente 70000 postes directs et indirects, ajoute-t-il.

Pour sécuriser l’emploi, FO, deuxième force syndicale dans l’entreprise, se bat pour que la mise en bouteille fasse l’objet d’une AOC. Actuellement, seul l’assemblage est protégé par une AOP. Le militant, entré dans l’entreprise à 20 ans pour réaliser les circuits de visites touristiques en été, connaît le sujet puisqu’il occupe depuis des années le poste de distributeur, chargé de l’approvisionnement de la chaîne d’embouteillage en flux liquide – le cognac – et de la gestion des stocks.

La difficulté est que l’autre gros marché du cognac, les États-Unis, est lui aussi menacé par des surtaxes douanières qui devraient être annoncées en juillet. D’habitude on ne garde jamais tous nos oeufs dans le même panier, mais si les deux principaux marchés sont menacés, ça devient plus compliqué, reconnaît Frédéric Merceron, qui tente de relativiser : Nous sommes dans la tourmente mais d’autres secteurs sont encore plus à plaindre, comme celui du vin.

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