France Télévisions : victoire de FO, qui devient le premier syndicat du siège

En progression constante depuis des années, FO a obtenu 27,46% des voix à France TV lors du premier tour des élections professionnelles du siège. La ligne notamment de proximité défendue par les militants a convaincu les salariés. Les élus FO bataillent entre autres pour l’évolution des métiers et la défense des salaires, dans un contexte de coupes budgétaires et de remise en cause des acquis de l’accord collectif de 2013.

C’est une progression remarquable qu’enregistre FO chez France Télévisions au premier tour des élections professionnelles, qui s’est tenu en novembre. Avec 27,46% des voix, le syndicat s’impose désormais comme première organisation représentative au siège du groupe public. On est fier de ce score historique, confie Bertrand Chapeau, secrétaire général de FO Médias et délégué syndical central FO au siège de France TV. Au siège, notre évolution a été assez exponentielle. Il y a trois ans, en 2022, on avait obtenu 18,65% des voix.

Quand il y a eu la fusion des chaînes en 2009, FO s’était retrouvée à 7%. Et maintenant, 27% ! se réjouit Françoise Chazaud, secrétaire générale de la Fédération des arts, des spectacles, de l’audiovisuel et de la presse (FASAP-FO). C’est un score extraordinaire. Bertrand Chapeau acquiesce : Quand on est devenu une entreprise unique, on a perdu notre représentativité. Il a fallu tout reconstruire.

Lors du scrutin séparé qui concernait le réseau de France TV (notamment les différentes chaînes France 3), FO est arrivé en troisième position avec 16,39% des suffrages. Il reste aux salariés à se mobiliser au second tour, du 27 novembre au 3 décembre, car celui-ci détermine le nombre de sièges obtenus au CSE – la représentativité demeurera, pour sa part, celle du premier tour.

Innover sur le fond comme sur la forme

Pour Françoise Chazaud, cette victoire est particulièrement attribuable au travail de la nouvelle équipe, qui défend les emplois mais aussi la transformation des métiers avec les nouvelles technologies. C’est un syndicalisme réaliste, qui va de l’avant. Lors de la dernière mandature, les élus FO ont été les seuls à signer l’accord sur la réforme des métiers, qui prévoyait notamment une plus grande souplesse dans les fonctions des salariés qui le désiraient.

À France TV, on a un certain retard sur les métiers, détaille Bertrand Chapeau. Beaucoup de métiers se transforment dans l’audiovisuel, public comme privé. C’est une question d’employabilité. Aujourd’hui, un jeune qui sort d’école de journalisme sait aussi faire du montage, de l’image, et quand il arrive à France TV, on lui dit : Ces deux compétences-là, tu oublies. Un cloisonnement qui touche également les salariés de la technique, au grand dam de certains d’entre eux. À écouter certains syndicats, on en serait encore à la bobine et au fil, tacle Bertrand Chapeau.

Outre les combats de fond, c’est la forme de l’engagement de FO qui est récompensée par ce score. « On fait un travail de terrain au quotidien, estime le DSC. Ceux qui passent la porte de notre bureau syndical, souvent pour la première fois, sont immédiatement reçus, écoutés, accompagnés. » L’équipe a également cherché à innover sur la communication. « Les salariés sont noyés de communication syndicale, ils n’ouvrent plus leurs mails. Alors on a adopté les vidéos courtes, ludiques, plus agréables pour les gens. »

Un plan d’économies drastiques

Pour le nouveau mandat des élus FO, des chantiers d’ampleur s’annoncent. Début juillet, la présidente de France TV, Delphine Ernotte, a dénoncé l’accord collectif datant de 2013. L’échec des négociations sur la réforme des métiers lui a fourni un prétexte en or, analyse Bertrand Chapeau. Cette décision survient dans le contexte d’un plan d’économies budgétaires drastiques, qui promet de faire du dégât : le projet de budget 2026 prévoit d’amputer la dotation de France TV de 65 millions d’euros, alors que l’institution présente déjà un déficit cumulé de 81 millions d’euros.

FO France TV regrette que Delphine Ernotte ait choisi de détailler ses intentions dans la presse plutôt que devant les salariés, concernant les orientations choisies pour réduire le déficit : diminution d’effectifs, révision à la baisse du soutien à la création, atteinte aux offres de proximité (régions et Outre-mer), revente d’une partie des droits sportifs. Bertrand Chapeau pointe une réelle volonté de nous enlever des avantages en matière de rémunération et de congés. Donc on va faire en sorte que ce ne soit pas la gabegie.

Le syndicat identifie pour sa part un autre poste budgétaire discutable : les contenus produits à l’extérieur et achetés par les chaînes. La présidence donne des millions d’euros aux producteurs indépendants, déplore Bertrand Chapeau. Notre combat, c’est la réelle redistribution de l’argent public vers les personnes qui font de la télé à France TV.

La réforme de l’audiovisuel public gelée

Autre sujet qui a beaucoup préoccupé les salariés de l’audiovisuel public depuis deux ans : le projet de réforme envisageant la création d’une holding chapeautant France TV, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) sous l’égide d’un même dirigeant. Avec les chutes de gouvernement successives, le projet – porté disparu sur l’agenda parlementaire – semble gelé jusqu’à nouvel ordre.

Il reviendra sous une forme ou une autre, je n’en doute pas, anticipe Bertrand Chapeau, qui refuse de tirer des plans sur la comète alors que le projet est revenu quatre ou cinq fois sous des formes différentes au cours des vingt derniers mois. Il est désormais acté que la temporalité jusqu’à présent envisagée – une création de la holding au 1er janvier 2026 – ne pourra pas être tenue, laissant ainsi plus de temps aux organisations syndicales pour peser dans le débat et se préparer à défendre les droits des salariés.

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