Fortes chaleurs ou épisode de canicule : l’employeur est désormais tenu d’agir !
Un décret en date du 27 mai 2025 introduit de nouvelles obligations à la charge de l’employeur en matière de prévention des risques de fortes chaleurs (décret n° 2025-482 du 27 mai 2025 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à la chaleur).
Ces nouvelles dispositions, qui imposent des mesures concrètes et renforcent très nettement les obligations de l’employeur en matière de prévention du risque chaleur, sont entrées en vigueur le 1er juillet 2025.
Un arrêté du 27 mai 2025 définit plusieurs seuils de vigilance météorologique fixés par Météo-France (vigilance verte, jaune, orange, rouge). Un épisode de chaleur intense
, déclenchant les obligations de l’employeur, correspond à l’atteinte du seuil des niveaux de vigilance jaune, orange ou rouge.
Avant tout chose, il faut noter qu’il est regrettable que le code du travail ne prévoit toujours pas une température au-delà de laquelle le salarié peut cesser son activité.
Selon l’article R 4463-2 du code du travail, l’employeur doit évaluer les risques liés à l’exposition des travailleurs à des épisodes de chaleur intense, en intérieur ou en extérieur.
Lorsque l’évaluation identifie un risque d’atteinte à la santé ou à la sécurité des travailleurs, l’employeur doit désormais prévoir les mesures ou les actions de prévention. Ces mesures doivent être intégrées dans le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (pour les entreprises d’au moins 50 salariés) ou dans le Document unique d’évaluation des risques professionnels (pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à 50 salariés).
De manière générale, les locaux fermés affectés au travail doivent, en toute saison (été comme hiver), être maintenus à une température adaptée (malheureusement le décret ne définit pas ce qu’est une température adaptée) compte tenu de l’activité des travailleurs et de l’environnement dans lequel ils évoluent.
En cas d’utilisation d’un dispositif de régulation de température, celui-ci ne doit émettre aucune émanation dangereuse (art. R 4223-13 du code du travail).
Les postes de travail extérieurs doivent être aménagés de telle sorte que les travailleurs soient protégés contre les effets des conditions atmosphériques (auparavant l’employeur n’était tenu de les protéger que dans la mesure du possible
).
L’article R. 4463-3 du code du travail dresse une liste (non exhaustive) des mesures de prévention destinées à réduire les risques liés aux épisodes de chaleur intense :
– 1° la mise en œuvre de procédés de travail ne nécessitant pas d’exposition à la chaleur ou nécessitant une exposition moindre ;
– 2° la modification de l’aménagement et de l’agencement des lieux et postes de travail ;
– 3° l’adaptation de l’organisation du travail, et notamment des horaires de travail, afin de limiter la durée et l’intensité de l’exposition et de prévoir des périodes de repos ;
– 4° des moyens techniques pour réduire le rayonnement solaire sur les surfaces exposées, par exemple par l’amortissement ou par l’isolation, ou pour prévenir l’accumulation de chaleur dans les locaux ou au poste de travail ;
– 5° l’augmentation, autant qu’il est nécessaire, de l’eau potable fraîche mise à disposition des travailleurs ;
– 6° le choix d’équipements de travail appropriés permettant, compte tenu du travail à accomplir, de maintenir une température corporelle stable ;
– 7° la fourniture d’équipements de protection individuelle permettant de limiter ou de compenser les effets des fortes températures ou de se protéger des effets des rayonnements solaires directs ou diffusés ;
– 8° l’information et la formation adéquates des travailleurs, d’une part, sur la conduite à tenir en cas de forte chaleur et, d’autre part, sur l’utilisation correcte des équipements de travail et des équipements de protection individuelle de manière à réduire leur exposition à la chaleur à un niveau aussi bas qu’il est techniquement possible.
Par exemple, l’employeur doit prévoir, selon les circonstances, un aménagement des horaires ou des cadences de travail, le report de certaines tâches, la rotation du personnel aux postes les plus exposés, des dispositifs filtrants ou occultants les rayons du soleil, une surveillance des températures, l’organisation de pauses supplémentaires, la mise à disposition de ventilateurs ou de brumisateurs…
L’employeur doit également fournir des équipements de travail adaptés (vêtements respirants ou rafraichissants, couvre-chefs, lunettes…).
Lors de la survenue des épisodes de chaleur intense, l’employeur doit mettre en œuvre les mesures ou les actions de prévention définies en application de l’article R 4463-3, en les adaptant en cas d’intensification de la chaleur.
L’employeur doit accorder une attention particulière aux travailleurs vulnérables notamment aux femmes enceintes : lorsqu’un travailleur est, pour des raisons tenant notamment à son âge ou à son état de santé, particulièrement vulnérable aux risques liés à l’exposition aux épisodes de chaleur intense, l’employeur, qui en est informé, doit adapter, en liaison avec le service de prévention et de santé au travail, les mesures de prévention en vue d’assurer la protection de sa santé
.
L’employeur doit informer et former les salariés sur les signes de coup de chaleur et les gestes à adopter. Il doit mettre en place des protocoles de secours notamment pour les personnes isolées.
Ainsi, il doit définir les modalités de signalement de toute apparition d’indice physiologique préoccupant, de situation de malaise ou de détresse, ainsi que celles destinées à porter secours, dans les meilleurs délais, à tout travailleur et, plus particulièrement, aux travailleurs isolés ou éloignés. Ces modalités de signalement doivent être portées à la connaissance des travailleurs et communiquées au service de prévention et de santé au travail
.
En cas d’épisode de chaleur intense, une quantité d’eau potable fraîche suffisante doit être fournie par l’employeur. Celui-ci doit prévoir un moyen pour maintenir au frais, tout au long de la journée de travail, l’eau destinée à la boisson, à proximité des postes de travail, notamment pour les postes de travail extérieurs.
Dans le BTP, lorsqu’il est impossible de mettre en place l’eau courante, la quantité d’eau mise à disposition des travailleurs est d’au moins trois litres par jour par intervenant. Les périodes de canicule
, qui ouvrent droit au chômage technique en cas d’arrêt du travail dans les entreprises du BTP, se caractérisent par l’atteinte du seuil des niveaux de vigilance orange ou rouge.
Lorsque l’employeur ne définit pas les mesures ou actions de prévention du risque lié aux épisodes de chaleur intense, l’inspecteur du travail pourra le mettre en demeure de s’exécuter dans un délai d’au moins 8 jours. Passé ce délai, l’inspection du travail pourra dresser un procès-verbal en cas d’inaction de l’employeur. On peut regretter que le nouveau décret ne permette pas encore à l’inspection du travail de prononcer immédiatement l’arrêt de travaux dangereux en cas de fortes chaleurs.
En tout état de cause, si les précautions prises sont insuffisantes pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs, le CSE ne doit pas hésiter à demander la suspension de l’activité auprès de l’employeur. Dans ce cas de figure, les entreprises peuvent recourir au dispositif de récupération des heures perdues.