FO plus que jamais dans la défense du modèle social
Alors qu’actuellement nombre de dirigeants usent d’un vocable belliqueux qui fait frémir la planète, avec en Europe un « réarmement » érigé au rang de préoccupation essentielle, – ce qui induirait d’axer en ce sens la réindustrialisation et d’effectuer des choix dans les dépenses publiques, avertit déjà l’exécutif français –, les travailleurs, eux, n’entendent pas voir sacrifiés leurs droits sur l’autel d’une austérité exacerbée censée permettre le financement d’une économie de guerre. D’autant, souligne la confédération, que des moyens peuvent être mobilisés via la lutte contre l’évasion fiscale, la taxation des dividendes ou encore en puisant dans la manne des aides publiques. Dans un contexte marqué déjà par des difficultés sociales, ce que caractérisent notamment de nombreux plans sociaux, les travailleurs rappellent avec FO leurs revendications.
La concertation sur les retraites, avec sa prétendue offre aux interlocuteurs sociaux de discussions pour une revisite de la réforme de 2023, dont la soi-disant possibilité de concevoir un retour de l’âge légal de départ en retraite à 62 ans (au lieu de 64), serait-elle l’opportune victime du nouvel axe d’efforts budgétaires exacerbés que l’exécutif se saisissant du contexte de tensions internationales a commencé à exposer ? Le 16 mars, Le Premier ministre – initiateur de cette concertation déjà assortie d’un cadrage financier sévère –, a annoncé qu’il n’était pas question de revenir à l’âge légal de départ à 62 ans. Propos relayés le lendemain par la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. De quoi légitimer davantage encore le fait que FO ait décidé dès la première réunion, le 27 février, de s’extraire de cette mascarade.
Un effort accru pour financer l’effort de défense
Alors que les textes budgétaires pour 2025 – porteurs de mesures d’austérité sur les dépenses publiques – viennent juste d’être adoptés, à coups de 49.3, la question budgétaire et plus largement le cadre que l’exécutif entend donner aux finances publiques d’ici 2029, demeurent sous les projecteurs de l’actualité, d’autant que l’exécutif indique que les efforts pour le réarmement doivent être désormais au cœur des préoccupations.
La commission européenne prévoit un plan communautaire d’efforts de réarmement à hauteur de 800 milliards d’euros (dont 150 milliards par emprunt de l’Europe), la règle européenne sur les déficits publics des économies nationales, soit le diktat d’un plafond de déficit à 3% de PIB (fixé par le traité de Maastricht de 1992), est en voie d’atténuation puisque les dépenses supplémentaires pour la défense pourraient ne pas être intégrées au calcul des déficits.
En France, l’exécutif vise lui toujours un déficit public à 5,4% du PIB en 2025 et à 3% en 2029. L’indépendance nationale, c’est aussi maîtriser notre dette publique déclarait récemment le ministre de l’Economie Eric Lombard précisant que l’effort initial sur les finances publiques de 40 milliards d’euros par an jusqu’en 2029 devra être accru pour financer l’effort de défense sans doute dès cette année. Alors que la loi de programmation militaire avait prévu de mobiliser 413 milliards d’euros sur 2024-2030, ce qui signifiait d’aller d’un budget de la Défense (déjà quasi doublé en huit ans) de 50,5 milliards d’euros cette année (+3 milliards par rapport à 2024) à un budget de 68 milliards en 2030, un effort supplémentaire serait requis. Le ministre des Armées propose lui d’atteindre plutôt 100 milliards d’euros par an en 2030.
Emmanuel Macron demande de nouveaux choix budgétaires
Lors de son « adresse aux Français » le 5 mars, le président de la République, a donné le ton : nous aurons à faire de nouveaux choix budgétaires et des investissements supplémentaires, ce seront de nouveaux investissements qui exigent de mobiliser des financements privés mais aussi des financements publics, sans que les impôts ne soient augmentés. Pour cela, il faudra des réformes, des choix, du courage. Et Emmanuel Macron d’ajouter Sur notre agriculture, notre recherche, notre industrie, sur toutes nos politiques publiques nous ne pouvons pas avoir les mêmes débats que naguère. C’est pourquoi j’ai demandé au Premier ministre et à son gouvernement et j’invite toutes les forces politiques, économiques et syndicales du pays à leurs côtés à faire des propositions à l’aune de ce nouveau contexte.
FO refuse que les salariés soient contraints à des efforts et des sacrifices
Dès le lendemain, le 6 mars, FO réagissait, indiquant son attachement indéfectible à la paix et à l’expression « Pour le pain, la paix, la liberté, rappel de l’engagement historique de FO, incarné dès ses origines par son fondateur Léon Jouhaux, prix Nobel de la paix en 1951. Pour FO, les nouvelles priorités budgétaires ne doivent en aucun cas conduire à plus d’austérité pour des politiques aussi essentielles que l’enseignement, la santé, la sécurité sociale (qui fête ses 80 ans cette année), la solidarité ou les droits sociaux. Il est hors de question que les salariés soient contraints à des efforts et des sacrifices alors que des moyens budgétaires peuvent être mobilisés ailleurs. Concrètement, en sollicitant par exemple la manne des aides publiques (173 milliards d’euros par an), en luttant contre l’évasion fiscale (estimée de 80 à 100 milliards par an) et en taxant les dividendes (100 milliards en 2024) souligne la confédération qui, pleinement dans son rôle d’organisation syndicale, refuse toute instrumentalisation et toute intégration dans une économie de guerre.
En vue d’investissements privés pour un réarmement tous azimuts, le ministre de l’Economie, Eric Lombard, et le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, ont de leur côté annoncé qu’ils réuniraient le 20 mars des représentant des banques, assurances, fonds d’investissements et des entreprises de défense. Eric Lombard se prononce aussi pour la mobilisation de l’épargne des français, ainsi celle du Livret A (qui finance le logement social) pour financer les infrastructures de défense indiquait-il le 16 mars. Et le ministre de souligner par ailleurs que dans la perspective de réarmement, il faudra s’engager plus et cela demande de revoir notre modèle. Sous-entendu social ? Au titre de prochains efforts à faire, et rappelant au passage la nécessité de l’efficacité dépense publique, il évoque par exemple le Travailler plus pour celles et ceux qui cherchent un travail. Ce qui peut faire craindre une nouvelle attaque des droits des demandeurs d’emplois.
Pour Eric Lombard encore, Les Français travaillent moins que les autres pays européens et il y a là un levier qui est important. Pour le ministre (qui évoque par ailleurs au plan des recettes la seule possibilité de pérenniser la taxation exceptionnelle – limitée – des plus riches, adoptée pour une seule année par la loi de finance pour 2025, pour un rendement annuel modique estimé à 2 milliards d’euros), davantage de monde en emploi augmenterait le volume des cotisations sociales et des impôts, donc des recettes. Si les bienfaits, logiques, d’une augmentation du taux d’emploi sont régulièrement cités par FO (signataire d’ailleurs le 14 novembre dernier de l’ANI sur l’emploi des séniors), reste la question de l’utilisation des recettes acquises. Or, le ministre ne dit pas si les recettes supplémentaires obtenues, dont fiscales, iraient intégralement au financement du modèle social où seraient orientées ailleurs, par exemple pour la résorption du déficit et/ou le financement du réarmement. Un silence sur fond de foire aux propositions de moins disant social de la part de représentants du patronat et de représentants politiques. Ainsi, l’augmentation du temps de travail, la suppression de jours fériés, etc.
Eric Lombard indique en revanche que La politique de soutien aux entreprises doit être poursuivie de façon à ce qu’elles recrutent plus de jeunes et que les seniors puissent rester plus longtemps s’ils le souhaitent. Le subventionnement de l’emploi (via la prime d’activité pour les bas salaires, les exonérations de cotisations…) aurait donc encore de beaux jours, et toujours sans que ne soit évoquer une conditionnalité des aides publiques aux entreprises, ce que demande cependant FO.