[Documentaire] Les États-Unis, paradis pour milliardaires
Sur Arte, une série documentaire retrace les grandes étapes du capitalisme américain et décrit comment les États-Unis ont toujours favorisé la concentration des richesses entre les mains de quelques-uns, même si l’alternance au pouvoir tente d’amoindrir la brutalité du modèle économique.
Le réalisateur Cédric Tourbe et l’historien Romain Huret revisitent l’histoire américaine à l’aune du rapport (très étroit) entre les élites économiques et les gouvernements successifs du pays. En trois épisodes, la série documentaire Capitalisme américain, le culte de la richesse dépeint comment les plus riches industriels ont combattu toute forme de régulation de leurs activités (lutte contre les monopoles, commission de sécurité boursière, syndicalisation et obligation de dialogue social…) au nom de la liberté d’entreprendre et de s’enrichir. Le plus simple étant évidemment pour cela d’accéder à des fonctions politiques, par l’élection (le Sénat n’était-il pas surnommé le club des milliardaires ?) ou la nomination : au moins 11 secrétaires d’État au Trésor sont issus du monde des affaires (et généralement de la banque) dans l’histoire des États-Unis. Dont Andrew Mellon, qui serait à l’origine de la fameuse « trickle down theory » ou théorie du ruissellement : sous son égide, pas moins de cinq réductions d’impôts seront accordées en neuf ans aux industriels. Ses descendants comptent aujourd’hui parmi les fervents soutiens du président Donald Trump…
Un anti-syndicalisme… primaire
Le premier épisode de la série – Le paradis des millionnaires – couvre la période courant de 1870 à la crise de 1929. Il dresse toute la galerie de portraits des magnats de l’époque : Rockefeller (dans le pétrole), Carnegie (dans l’acier), JP Morgan (dans la banque), Vanderbilt (dans le transport)… parvenus au sommet grâce à l’exploitation de monopoles habilement constitués. Et à une lutte sans merci contre l’émergence des syndicats, armes à la main s’il le faut.
Faire casquer les riches
reprend le fil de l’histoire à partir de la crise de 1929. Les années Roosevelt – celles du new deal – tentent de rééquilibrer l’économie, avec notamment les grands projets d’État qui relancent l’emploi et permettent d’améliorer la situation des travailleurs en obligeant les entreprises à négocier des accords salariaux. Mais aussi la création de la première commission de régulation des activités boursières, la mise en œuvre de la loi anti-monopole, et la création d’une échelle d’imposition dont la dernière tranche atteint 79 %. Le pas de trop pour les grands patrons qui créent la Liberty League et s’approprient alors toute la réussite économique effaçant le rôle moteur de la planification d’état, notamment durant la Deuxième Guerre mondiale.
Le mythe de l’entrepreneur de génie
Enfin le troisième épisode, intitulé, lui, Qui veut gagner des milliards, débouche sur les trois dernières décennies et l’essor des industries de la tech. Une époque qui voit se développer un nouveau mythe : celui de l’entrepreneur de génie censé faire fortune quasiment seul à partir de son garage – là encore en oubliant l’impact des commandes d’État et des lois fédérales sur le développement de ce secteur. C’est aussi le retour d’un droit exorbitant du capital
, où, sous couvert de préférer la philanthropie à l’impôt, les milliardaires (qui ont supplanté les millionnaires d’autrefois) ne contribuent plus qu’à hauteur de 0,2 % de leur fortune au bien commun
.
Une série documentaire à voir pour réaliser combien la politique américaine actuelle puise dans les racines d’un capitalisme des plus brutaux, l’envers du soi-disant rêve américain.
Capitalisme américain, le culte de la richesse, 3×60 minutes, réalisé par Cédric Tourbe, disponible sur arte.tv jusqu’au 31 janvier 2026.