Attractivité de la Fonction publique, les militants détaillent l’étendue des dégâts

Le congrès de la FGF-FO a été le lieu de mises en exergue concrètes du manque d’attractivité de la Fonction publique, de son versant de l’État en particulier. Et par divers aspects : salaires, conditions de travail, effectifs, action sociale…

Carrières, effectifs, conditions de travail : rien ne va plus !

A la Défense, après la perte de 54 000 postes en trente ans, indiquait de son côté le secrétaire général de la fédération, Valéry Michel, en 2025, par les décisions de réarmement, les milliards d’euros pleuvent, 90 milliards. Mais attention, tout cet argent ne va pas dans les poches des agents. Les 64 000 personnels civils n’auront rien. Et de donner un exemple de la politique vis-à-vis des agents… 300 000 rations de guerre sont fabriquées par des agents de catégorie C. Ils auront perçu 20 euros en plus en vingt ans… Et le militant de conclure : nous n’admettons pas la remise en cause de nos droits sociaux au nom du réarmement.

Des insatisfactions du côté des ouvriers d’État de la Défense expliquait le secrétaire général du syndicat, Mohamed Ali-Anfif. Par les multiples restructurations internes dans les services, de 81 000 il y a trente ans, leurs effectifs ont fondu de 9 000. Il y a eu un recrutement de 300 ouvriers d’État en 2025, or les départs sont de 1 000 par an en moyenne. Et pour ceux qui restent, FO demande la publication des taux d’avancement. Le syndicat demande aussi une meilleure prise en compte des maladies professionnelles, de l’exposition à la dangerosité. A noter que par divers dysfonctionnements dans les services, indiquait le militant, des personnels se trouvent en surcharge de travail, certains font des burn-out.

Pour la FAGE-FO, Emmanuel Bodin soulevait le problème des grilles basses pour les personnels des corps communs (assistantes sociales, personnels administratifs…) Il faut que la FGF y travaille. Il y a une attente forte d’amélioration de la situation des corps inter-administratifs, donc interministériels, indiquait Vadim Hosejka pour le syndicat du Travail, de l’Emploi et de la formation professionnelle, précisant que FOTEFP a demandé une prime pour ses agents. Dans ce même secteur, Laurent Le François (FGF-FO de Dordogne) soulignait un ratio alarmant : un agent pour 10 000 salariés. Ce qui donne idée de la charge de travail de ces personnels.

L’indemnité de résidence est passée de 3% à… en fait, rien. Ses bases ne correspondent plus à la réalité territoriale, sans compter les problèmes dus au contexte économique indiquait, elle, Sabine Triquenaux du secteur de la DGFIP (Finances publiques) et au nom de la section FGF de l’Essonne.

Oui, il y a un problème d’attractivité, de rémunérations lançait elle aussi Soizic Blot pour le syndicat des techniciens du ministère de l’Agriculture (SNTMA-FO). Propos relayés par Christine Heuzé pour l’enseignement agricole. Il y a de nombreuses revendications sur la perte de pouvoir d’achat. Après de longues années sans progression de carrière. Il faut obtenir l’intégration des primes dans le salaire.

On n’a toujours pas le CTI Ségur pestait de son côté Marie Peigne, au nom des assistantes sociales de l’Education nationale, des agents de catégorie A, avec les grilles les plus basses du ministère. On compte 3 000 agents, soit un pour 4 000 élèves. Alors que les violences, par exemple, cela fait des années qu’elles existent. Deux jours avant le début du congrès, elle et ses collègues manifestaient à Paris.

La paupérisation, ça suffit !

Yves Raichl (FGF-FO du Rhône) évoquant comme de nombreux autres militants de la FGF-FO lors de ce congrès la « Smicardisation » des salaires et des carrières faisait part de sa grande indignation. Le pied de grille de la catégorie B est menacé d’être sous le Smic si celui-ci augmente. En catégorie B, on assiste à une inversion de carrière. Des gens qui ont passé des concours (pour progresser dans la carrière, Ndlr) perdent de l’argent !.

Quelque 188 000 agents sont privés de la GIPA, la garantie individuelle de pouvoir d’achat supprimée cette année, constatait, ulcéré, Christian Pernot (FGF-FO-Vaucluse). Des agents prennent des congés au lieu d’arrêts de travail, pour ne pas perdre en salaire. La paupérisation, ça suffit ! ajoutait un militant FGF-FO du Bas-Rhin.

On tire la sonnette d’alarme sur les salaires et sur les problèmes de logement annonçait Jean-Louis Kieffer, (FGF-Haute-Savoie) issue du Snudi-FO. Sur 35 démissions chez nous, 20 découlent de l’attractivité de la Suisse, pays frontalier, avec des salaires à 7 500 euros en début de carrière. On a obtenu une prime de 3% pour vie chère, mais ce n’est pas appliqué dans toutes les communes.

Dans les Pyrénées Atlantiques, sont demandées aussi des mesures pour faciliter le logement des agents indiquait un militant de la FGF-FO. Pour cause de salaires insuffisants, les agents ne peuvent qu’accéder à des logements de plus en plus petits, logent même dans les campings et parfois dans leur voiture. Certains qui ont un logement vont jusqu’à refuser une mutation car ils savent qu’ailleurs, ils ne pourront en avoir un.

A Bercy, on sous-traite la souffrance…

A Bercy, soit au cœur de l’administration centrale du ministère c’est une belle communication. Egalité, attractivité… en fait il y a aussi du harcèlement et une mise de la poussière sous le tapis ! déplorait Jean-Marc Le Corronc. Et d’évoquer certains problèmes. 30% des DUERP (document d’évaluation des risques professionnels) sont porteurs d’éléments pouvant conduire à des risques psychosociaux. Autre problème, il y a une opacité la plus complète sur les lignes directrices de gestion. Bercy adopte vis-à-vis des agents la stratégie du pas de réponse et les envoie à des médiateurs RH. On sous-traite la souffrance à des plateformes, des n° vert… Donc pas de traces. Depuis la loi de Transformation du 6 août 2019, en lieu et place des CAP vidées de leur substance, c’est par les LDG, donnant grand pouvoir à l’employeur, que se traitent la mobilité et les promotions…

Contractualisation de l’emploi : la montée en flèche

Dans le secteur Santé et Action sociale, la question des effectifs et des conditions de travail qui en découlent est aussi au cœur des préoccupations. Dans les Agences régionales de santé/ARS, 400 postes ont été supprimés. Dans l’administration centrale, 103 indiquait Juan Navarro du SNPASS-FO fustigeant des réformes insupportables dans le secteur et le remplacement des agents statutaires par des contractuels. Sous contrats précaires, donc. Phénomène que l’on peut aussi constater au sein des services (dont l’agence Erasmus) relevant des compétences du syndicat Snefie-FO (syndicat national éducation formation international Europe). Nous avons un taux de contractuel de 85% résumait Kevin Bastien.

Education et Enseignement Supérieur : hémorragie de moyens tous azimuts

Dans l’Education, il y a 40 220 candidatures en moins aux concours depuis 2018 indiquait François Pozzo di Borgo pour le syndicat FO des lycées et collèges (SNFOLC). La traduction parfaite de l’attractivité effondrée du métier d’enseignant. Dans l’Aisne notait Gwenaëlle Blot de la FNEC FP-FO, 17 classes ont été fermées et dans 40 collèges il y a des suppressions d’heures d’enseignement. Autre exemple, dans le Puy-de-Dôme, avec 19 fermetures de classes dans le primaire, 1 000 journées d’écoles supprimées, n’ayant pas fait l’objet d’un remplacement. Sylvain Excoffon pour FO-ESR (Enseignement supérieur et Recherche) pointait lui le délabrement de l’Enseignement supérieur, se traduisant par 60% des universités en déficit, avec pour conséquences l’amputation des formations. Des effectifs de contractuels supérieurs aux effectifs de titulaires ou encore des dépenses par étudiant en baisse de 25%. Mi-mars plus de 1 500 étudiants étaient mobilisés à Paris, des assemblées générales ont été organisées aussi sur différents sites universitaires, réunissant agents et étudiants. Il y a un transfert de responsabilités du ministère vers les personnels. Le métier de Direction est devenu un repoussoir résumait pour le secteur des personnels de Direction de l’Education nationale, Agnès Andersen, Id-FO, pointant les missions et charges de travail qui se multiplient… mais pas le salaire. Le RIFSEEP (régime indemnitaire créé en 2014, Ndlr), c’est juste un outil RH, une réorganisation. Ce n’est pas une hausse de la rémunération. Pour le Spaseen-FO, Philippe Beaufort fustigeait entre autres la perte des effectifs d’agents administratifs. Il y avait 66 000 agents. 10 000 postes ont été supprimés en quelques années. Il y a un détricotage des services, et une territorialisation de l’éducation nationale, cela notamment du fait de la loi 3DS, loi différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification. Les adjoints-gestionnaires des établissements (EPLE) sont ainsi placés sous l’autorité fonctionnelle des collectivités territoriales, tout en demeurant sous la tutelle de l’État. Plus globalement, dans le secteur des personnels administratifs, les agents, à bout et inquiets, renoncent à passer les concours, ne croyant plus à une progression dans la carrière, soulignait le militant, appelant, pour une véritable revalorisation des rémunérations, à une hausse de la valeur du point et une intégration des primes dans le salaire. Et non à une revalorisation indemnitaire, ce qui a pour conséquences des inégalités et des différences de rémunérations.

La catastrophe du new public managment

Aux Finances publiques On tient un record assurait Olivier Brunelle pour FO-DGFIP. Un quart des effectifs a disparu, la moitié des implantations aussi. Même les corps d’inspection le reconnaissent. Or Maltraiter avec autant d’assiduité l’administration qui est censée financer les autres, cela vire à la perversité analysait le militant dénonçant le fait d’abattre la capacité à organiser l’État. Vu l’effort annoncé sur les Finances publiques – 40 à 50 milliards d’euros – la question désormais est de savoir, quels pans entiers de services publics vont être supprimés. (…) Il faut être plus que combatif. Car il ne restera rien si on les laisse faire !. La destruction des services a un lien avec le délitement de la cohésion sociale.

Le new public managment, c’est toute la gestion du privé mais dans le public. Et c’est une catastrophe, du point de vue des conditions et de la charge de travail notamment martelait Luc Weinstein pour le SNITPECT-FO (techniciens et ingénieurs des travaux publics de l’État). Et le militant d’indiquer que des agents ont entamé une grève dite du zèle, soit la stricte application du temps de travail.

Code de la route : le naufrage d’une réforme

Les dégâts que peuvent faire certaines réformes étaient illustrés par Philippe Destarkeet au nom du Snica-FO, secteur du permis de conduire et de la sécurité routière. Au fil des réformes, ils ont perdu 17 missions dont l’examen du code de la route. Or, remarque le militant, avant la réforme de 2014 qui a externalisé cet examen, le taux de réussite à l’examen était de 70%. Depuis… C’est le parcours du fraudeur. 30% de réussite à l’examen payant. 100% de réussite lorsqu’il y a des pratiques frauduleuses. La réduction du rôle des agents publics a entrainé de la fraude. Et elle se compte par dizaine de milliers de cas expliquait-il tandis que le Snica-FO dit stop à ce naufrage et demande la réinternalisation de la mission dans le giron public.

Outre-mer : des services publics sous-dotés

La majoration de 40% pour vie chère permet juste de manger expliquait de son côté Jacqueline Arnaud, secrétaire départementale FGF-FO en Guyane. La militante ajoutait : on veut le maintien de la majoration pour maladie de longue durée. On a obtenu, avec la FGF, la majoration en cas de maladie courte. Et de préciser encore l’action sociale en Guyane est pauvre. Pour 13 000 fonctionnaires, il y a 72 places de crèches !. A la Réunion, département le plus pauvre avec la Guyane, où un cyclone dévastateur s’est abattu, en février, sur l’île faisant 50 000 sinistrés, le constat des faibles moyens de la Fonction publique est patent, expliquait Janick Cidney pour la section FGF-FO. Il y a une baisse des effectifs et ils sont désormais totalement insuffisants. Il y a une augmentation des horaires, des arrêts maladie, des burn-out. Et le militant de confirmer la remise en cause de la prime de vie chère, celle de la majoration lors de longue maladie. Quant à la baisse de l’indemnisation des arrêts ordinaires, c’est la double peine !. Et c’est sans compter le phénomène de non- remplacement des départs à la pénitentiaire, aux douanes, le non-recrutement à la DGFIP, le mauvais management. De quoi détruire un peu plus les conditions de travail de ceux qui restent. Il en est ainsi aussi à Mayotte, ravagée aussi par un cyclone, en décembre 2024. L’unique hosto est débordé, les services publics sont sous-dotés. Il est inacceptable que le gouvernement continue d’ignorer cette situation. Il faut reconstruire un avenir sur la base des droits fondamentaux appuyait Nouredine Dahalani décrivant avec gravité une île meurtrie, des familles désemparées et une crise sociale.

A lire également