Etude de la Dares : Quand le ministère du Travail constate les reculs dans la représentation des salariés
En fusionnant les instances de représentation du personnel, les ordonnances travail de 2017 ont entrainé une réduction à hauteur de 14% du nombre des mandats et à hauteur de 4% du nombre des mandatés, chiffre pour la première fois la Dares. Il en résulte que les élus sont éloignés des salariés et que leur charge de travail augmente. FO demande le rétablissement des capacités de représentation collective des salariés.
Les études du ministère du Travail se suivent et confirment que les ordonnances de 2017 ont fait reculer la représentation des salariés dans les entreprises. Après avoir constaté que la fusion des instances représentatives du personnel (IRP) a réduit le nombre d’établissements couverts (https://www.force-ouvriere.fr/comment-les-ordonnances-travail-ont-impacte-l-organisation-du), la Dares a publié, ce mois de septembre, une étude sur les profils des représentants du personnel. Il en ressort notamment qu’il y a moins de mandatés qu’avant les ordonnances et qu’ils ont de plus en plus de travail de représentation. D’une étude à l’autre, il se confirme ce que nous craignions avant les ordonnances, nous devons donc continuer à revendiquer le rétablissement des capacités de représentation collective des salariés
, déclare Karen Gournay, secrétaire confédérale FO en charge de la négociation collective et de la représentativité.
601 000 salariés mandatés
Le nombre de salariés exerçant un mandat en 2023 (601 000 salariés) a en effet diminué de plus de 4 % par rapport à 2017, en dépit d’une légère progression des effectifs salariés globaux. C’est encore plus vrai lorsqu’ils travaillent dans des entreprises de plus de 300 salariés (-16%). Une baisse qui s’explique, indique Karen Gournay, non par un manque de vocations mais plus simplement parce qu’il y a moins de mandats (-14%) à exercer en 2023 (793 000) qu’en 2017 (918 000). Le remplacement des anciennes instances par une instance unique suite aux ordonnances travail réduit mécaniquement le nombre de sièges à pourvoir et de mandats
, confirment les auteurs de l’étude. En outre, dans les grandes entreprises, le nombre minimal légal d’élus au CSE est sensiblement inférieur à celui, cumulé, des anciennes instances représentatives
, poursuivent-ils.
A cela s’ajoute un élargissement des périmètres des IRP élues dans les entreprises multisites, ces dernières étant désormais couvertes par un CSE au siège plutôt que par des CSE d’établissement. Il en résulte, là encore, une diminution du nombre d’IRP. L’objectif des ordonnances était de rationaliser et de faire faire des économies aux entreprises, nous y sommes
, analyse Karen Gournay. Elle appelle les élus de FO à rétablir des CSE d’établissement au moment de la négociation de l’accord sur le CSE.
Une intensification du travail de représentation au sein du CSE
La fusion des IRP et la réduction du nombre de mandats entraînent deux conséquences principales pour l’exercice de la représentation des salariés. D’une part elles se traduisent mécaniquement par une réduction du cumul des mandats. En 2023, 76 % des représentants exerçaient un seul mandat, contre 68 % en 2017. A contrario, 6% assumaient simultanément trois mandats ou plus en 2023, contre 11% en 2017. C’est en tous cas ce que disent les statistiques. Le cumul des mandats reste la règle, car il est difficile de trouver des militants qui veulent s’investir
, constate pour sa part Karen Gournay. Et cela s’explique. Non seulement la fusion et la concentration des IRP contribuent à un éloignement des élus vis-à-vis des salariés
mais aussi, à une intensification du travail de représentation au sein du CSE
, admettent les statisticiens de la Dares. Interrogés, les représentants du personnel sont plus nombreux qu’en 2017 (59% contre 31%) à déclarer qu’ils passent beaucoup de temps en réunion d’instances. Cela a des conséquences sur leur engagement. L’augmentation de la charge de travail des représentants peut être difficile à assumer sur la longueur d’un mandat et peut conduire à une crise des vocations
, indique ainsi Karen Gournay. D’autre part, cela induit une professionnalisation des représentants, que FO refuse car elle comporte le risque de se couper du terrain
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Renouvellement et féminisation des élus
La Dares constate par ailleurs un renouvellement des représentants du personnel. Un quart déclarent ainsi exercer un mandat depuis moins d’un an (14 % et en 2017). Les auteurs avancent timidement que la mise en place de l’instance unique à partir de 2018 peut attirer
de nouveaux salariés, tout en signalant qu’il y a de moins en moins de candidats aux élections. Pour Karen Gournay, ce renouvellement tient plus certainement à l’interdiction d’enchaîner plus de trois mandats. Des camarades n’ont pas pu présenter leur candidature
, constate-elle. Le projet de loi mettant fin à cette limitation (transposition d’un accord national interprofessionnel signé par FO) est encore en cours d’examen. Le projet (examiné selon la procédure accélérée), a été adopté avant l’été en première lecture puis validé par le Sénat suite à l’entente trouvée sur le texte en commission mixte paritaire. Il doit encore être définitivement adopté par l’Assemblée.
L’étude constate également une féminisation des représentants du personnel. Pour la première fois, la proportion de femmes (42% contre 38% en 2017) y est la même que parmi l’ensemble des salariés. Nous aurions préféré un autre levier qu’un quota
, regrette toutefois Karen Gournay. La secrétaire confédérale relève néanmoins une bonne nouvelle dans cette étude. Les représentants du personnel se distinguent par leur fort engagement syndical. La moitié des élus au CSE -hors délégués syndicaux- sont adhérents d’un syndicat. Le syndicat est à la base de la prise de mandat, analyse Karen Gournay. Quand une organisation patronale et un gouvernement remettent en question le monopole syndical au premier tour des élections professionnelles, ils ignorent comment la représentation du personnel se met réellement en place
.