Finances publiques 2026 : les menaces s’affinent
L’art d’entretenir le suspense. A quelque trois semaines de la déclaration annoncée du chef du gouvernement devant détailler l’axe des projets budgétaires pour 2026 (projet de loi de finances et projet de financement de la Sécurité sociale) qui seront présentés au Parlement à l’automne, aucun indice précis n’est apporté. Seule la visée générale de ces futurs textes est confirmée : il s’agira par leur biais de réaliser un effort de 40 milliards d’euros sur les finances publiques, avec l’objectif maintenu de ramener le déficit public de 5,4% du PIB, prévu en 2025, à 4,6% l’an prochain. Au vu des déclarations gouvernementales, on comprend cependant que l’effort se ferait principalement par une forte et douloureuse réduction des dépenses publiques (État, Sécurité sociale, collectivités territoriales).
Le 22 juin, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin précisait les perspectives pour l’État. Pour 2025, nous sommes en train de faire 23 milliards d’euros d’économies sur l’État et pour 2026, il y a une règle, c’est que nous n’augmenterons pas les dépenses de l’État
. Ce qui fait craindre un gel de ces dépenses, et par un non-adossement de leur évolution sur l’inflation, concrètement, leur baisse.
Alors que le gouvernement assure d’un plan budgétaire responsable et crédible
ainsi que l’indiquait la ministre dans les médias -concédant toutefois que rien qu’au sein des ministères les discussions sont difficiles
, chaque secteur défendant ses moyens-, le dispatching des efforts sur les finances publiques pour 2026 est à haut risque. A plus d’un titre.
Les collectivités locales sont déjà vent debout contre de nouvelles coupes et un possible gel des dotations de l’État. Le comité des finances locales, menaçant de censure sur le terrain
(arrêt des participations aux plan État/Région, refus de transfert de nouvelles missions, …) rappelle que les collectivités ont été sollicitées pour 80 milliards d’euros d’économies depuis 2014 et que leur épargne brute a chuté de 7,3% l’an dernier. Leur crainte est l’endettement à venir.
Dépenses de santé : nouveau serrage de ceinture dès cette année
La Sécu, elle, notamment dans ses secteurs maladie et retraites, est attaquée de tous les côtés pour ses dépenses. Le 19 juin, le patron du Medef évoquant une déresponsabilisation
sur le sujet des dépenses, estimait que la dérive principale des finances publiques
provenait des régimes sociaux, notamment maladie et retraites. Il préconisait de remettre en cause un certain nombre de dispositifs sociaux
.
La veille, les experts du Comité d’alerte sur les dépenses sociale s’étaient alarmés d’un probable dépassement de l’Ondam (objectif des dépenses de santé) de 0,5% (1,3 milliard d’euros) en 2025. Tandis que cet objectif d’évolution des dépenses est toujours inférieur à ce que nécessiteraient les besoins ne cesse de souligner FO depuis des années. Le Comité pointe le poids des indemnités journalières, des dépenses hospitalières et de médicaments.
Celles-ci sont aussi dans le collimateur du gouvernement pour des économies en 2026, par des mesures qui pourraient impacter les travailleurs et assurés, dont les plus modestes. L’accélération des mesures austères débute même dès cette année. Ainsi le 25 juin, auditionnées par la commission des Affaires sociale de l’Assemblée, la ministre des Comptes publics ainsi que Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles ont annoncé un plan d’économies de 1,7 milliard d’euros cette année. Plan venant s’ajouter donc aux mesures décidées dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025.
Haro sur les arrêts de travail
Parmi les mesures (dont certaines concernent les professionnels -médecins généralistes, spécialistes, pharmaciens, kinés, taxis – notamment par des non-revalorisations de rémunérations ou le décalage de celles-ci), le gouvernement prévoit, pour les dépenses hospitalières et celles du médico-social, de faire appel- pour 700 millions d’euros- à une réserve prévue par le dernier budget.
Est annoncée aussi une économie de 100 millions d’euros sur les indemnités journalières. Ces dernières semaines le gouvernement qui vise à ce qu’elles diminuent avait dans son collimateur des centaines de médecins, soupçonnés de trop en prescrire. Selon la Cnam, le nombre d’arrêts a augmenté de 27,9 % entre 2019 et 2023. La direction générale de la Cnam propose de son côté que les arrêts prescrits par les médecins de ville soient limités à une durée de quinze jours. A un mois, en ce qui concerne ceux prescrits dans le cadre hospitalier. En cas de prolongation, qui se ferait dans le cadre d’une nouvelle consultation, l’arrêt serait limité à deux mois.
Médicaments : une industrie florissante et aidée
De son côté, la ministre Amélie de Montchalin semble remettre en cause la visite obligatoire d’un salarié avec un médecin du travail (secteur médical sinistré, car non attractif et en manque d’effectifs) à l’issue d’un arrêt maladie d’un mois. Le gouvernement compte aussi que soient réalisées 500 millions d’économies sur les dépenses de médicaments, via notamment semble-t-il une action sur le prix des génériques. Ce type d’économies impacterait a priori les pharmaciens. La ministre Catherine Vautrin n’a rien précisé à propos d’une éventuelle sollicitation des industriels, mais indiqué qu’il n’y aura pas d’accord avec le Leem (le syndicat des entreprises du médicament), lobby de poids. Celui-ci, à l’annonce du plan d’économies, a déclaré : Nous regrettons l’intention du gouvernement d’amplifier les baisses de prix de médicaments
.
Selon le Leem lui-même, en 2022, l’industrie du médicament affichait 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 48% à l’export. Ces industriels se portent bien. A titre d’exemples, en 2024, Sanofi affichait un bénéfice net de près de six milliards d’euros. Novartis de près de douze milliards de dollars. A noter encore les aides publiques que reçoit ce secteur (y compris les multinationales), à travers notamment le CIR (crédit impôt recherche) et le soutien à la recherche au développement (R&D). Ce qui au total, en coût et manque à gagner représente chaque année plusieurs milliards d’euros.
Par ailleurs, dans le cadre de France 2030 et de la relocalisation de production de médicaments sur le territoire, quatorze projets sont soutenus par un financement public, au total à hauteur de 50 millions d’euros. Les aides à la relocalisation (via France Relance et France 2030) sont depuis la période covid de plus de 800 millions pour un investissement productif de 1,7 milliard d »euros.
Quid de la recherche de recettes supplémentaires ?
Plus largement, alors que des anathèmes semblent vouloir être jetés toujours sur les mêmes secteurs en 2026 – particulièrement les services publics et la protection sociale qui cependant ont fait leur preuve, notamment en tant qu’outils de cohésion sociale -, un paramètre de l’équation pour des efforts sur les finances publiques semble toujours écarté : la recherche de recettes supplémentaires, fiscales et sociales, par sollicitation plus forte des plus riches et des grandes entreprises.
L’éventualité d’une taxation supplémentaire des grandes fortunes, -par exemple de 2% au-delà de 100 millions d’euros de patrimoine ainsi que le proposait une mesure adoptée en février dernier par l’Assemblée mais rejetée le 12 juin par le Sénat-, n’apparaît pas comme une piste pour le gouvernement. Pas plus pour l’instant une conditionnalité des aides publiques aux entreprises (représentant quelque 200 milliards d’euros par an dont un manque à gagner de près de 80 au titre des allègement de cotisations sociales), ce que demande FO.
Sur fond d’économie morose…
Or, faire peser sur les travailleurs, leur sécu et leurs services publics, le poids le plus important de l’effort
en 2026 risquerait d’être d’autant plus lourd de conséquences que l’économie est enlisée dans la morosité. L’Insee indiquait en effet 18 juin la destruction de 120 000 emplois en deux trimestres et de 90 000 autres à venir d’ici la fin de l’année, cela avec une croissance du PIB qui ne devrait ne pas dépasser 0,6% (le gouvernement prévoit 0,7%). Par ailleurs, le chômage grimperait à 7,7% fin 2025, et la consommation des ménages serait en repli, à 0,7% (contre 1% en 2024), Et l’Institut d’indiquer encore que les investissements des entreprises seront en baisse de 0,8%, ceux des ménages en recul de 0,6%. De même pour les investissements publics.