Choc démographique de 2030 : quelques éléments d’explication

Le vieillissement de la population constitue l’un des enjeux majeurs des prochaines décennies. Il concerne la majeure partie des pays développés, dont la France, mais elle n’est pas le plus vieillissant si l’on opère une comparaison par rapport à ses voisins européens2. De nombreux écrits font référence au choc démographique qui interviendrait en 2030. S’agit-il d’un véritable point de bascule ? Tour d’horizon pour mieux s’y retrouver.

Entre 2020 et 2030, la classe d’âge des personnes âgées de 75 à 85 ans est en forte progression (4 millions en 2020 et plus de 6 millions en 2030). Dès 2030, cette tranche d’âge (75-85 ans) va connaître une croissance limitée, alors que le nombre de personnes de plus de 85 ans va fortement augmenter : + 88 % sur 20 ans (2030-2050). Ce vieillissement s’explique par la hausse de l’espérance de vie, mais également par l’avancée en âge des personnes nées après la Seconde Guerre mondiale, au début de la période du Baby-boom.

Avec le vieillissement, le nombre de personnes en perte d’autonomie est appelé à augmenter, la prévalence de la perte d’autonomie étant croissante avec l’âge. Généralement, on parle de perte d’autonomie lorsqu’une personne présente au moins une limitation fonctionnelle sévère (sensorielle, physique, relationnelle ou liée à la mémoire, la concentration ou l’organisation). D’autres définitions, plus larges, retiennent simplement le fait d’être limité dans la vie quotidienne. Le mot dépendance reste aussi fréquemment utilisé pour désigner des cas de forte perte d’autonomie ou un besoin d’aide dans les activités du quotidien, mais il est chargé d’une connotation négative (personne sous la dépendance d’une autre).

Concrètement, la perte d’autonomie d’une personne est évaluée par des professionnels de santé/médico-sociaux du département de son lieu de vie à l’aide des GIR (Grille AGGIR), pour définir son droit éventuel à percevoir l’APA et pour déterminer les actions à mettre en place pour l’aider dans ses activités quotidiennes.

En 2015, la France comptait un peu plus de deux millions de personnes en perte d’autonomie vivant à domicile ou en établissement selon la Drees, qui a établi plusieurs projections pour les décennies à venir. Le rapport Libault, qui est le fruit d’une longue concertation dans le milieu de l’autonomie, a retenu le scénario intermédiaire selon lequel le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie (au sens de bénéficiaires de l’APA) passerait de 1 265 000 personnes en 2015 à 1 582 000 en 2030 et 2 235 000 en 2050. La hausse serait de l’ordre de plus de 20 000 personnes par an jusqu’en 2030, mais s’accélérerait franchement à près de 40 000 personnes par an entre 2030 et 2040.

Le pourcentage de personnes âgées qui seront en perte d’autonomie dans les années à venir reste donc teinté d’incertitude. La tendance est toutefois encourageante : l’espérance de vie en bonne santé s’améliore et les personnes âgées sont de moins en moins en perte d’autonomie. Ainsi, entre 2015 et 2022, le nombre de personnes de 60 ans et plus en perte d’autonomie vivant à domicile est passé de 10 % en 2015 à 8% en 2022. Toutefois, il ne faut pas négliger la persistance d’inégalités socio-économiques et territoriales en la matière.

Le pourcentage de personnes en perte d’autonomie est une variable qui impacte fortement la société : qualité de vie des personnes concernées, dépenses de santé, personnels soignants, politiques de logement, proches aidants…

D’où la nécessité de renforcer la prévention de la perte d’autonomie pour faire baisser le taux de personnes âgées en perte d’autonomie. Dans son avis rendu en avril 2023 sur le sujet, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait retenu plusieurs pistes, notamment l’action sur les facteurs de risque très en amont, le repérage des fragilités (risque de chutes, dénutrition, aller vers les personnes isolées…), mais aussi la lutte contre l’âgisme.

Les difficultés d’accès aux soins, l’appel incessant à faire des économies dans les dépenses publiques, la faible attractivité des métiers des personnels au contact de la perte d’autonomie sont des signaux inquiétants.

Depuis la création de la branche Autonomie en 2020, FO n’a eu de cesse de dénoncer l’insuffisance de son financement. Dès 2025, la branche sera en déficit (-0,4 Md d’euros), ce qui n’augure rien de bon pour les années à venir. Plus que jamais, une loi pluriannuelle sur le grand âge et l’autonomie est nécessaire. La 5e branche de la Sécurité sociale ne doit pas être la 5e roue du carrosse.

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